Vu dans le Vercors

Entre grande scène (Le Foyer) et Club (entrée libre), tête de gondoles et têtes chercheuses, le festival d'Autrans poursuit son intéressante ascension dans le grand cirque des festivals d'été. Sélection de saison.


Bigflo & Oli

Des rappeurs formés au Conservatoire, en France ça fait mauvais genre, on se méfie. On cherche "l'authentique" d'un Eddy de Pretto greffé à son iPod, on guette le Booba en eux, Orelsan les évite. Oui, les frérots du flow toulousain Bigflo & Oli souffrent de n'avoir pas l'image de mauvais garçons élevés à Scarface ou aux mixes crasseux. C'est sans doute ce qui les a conduit au sommet des charts français, partisans d'un rap à l'ancienne où la richesse de la rime le dispute à celle des instrus (leur totem : IAM). À force de clichés, le rap hexagonal a fini par faire de la place à ceux qui n'en étaient pas, quitte à leur coller, peut-être injustement, l'étiquette commerciale. En ouverture de leur deuxième album l'an dernier, le duo toulousain règle ses comptes et clame : « le rap français choqué, il pensait pas nous trouver là / On m'écoute en Suisse, en Belgique, à La Réunion, à Nouméa (…) quand les chiffres sont sortis j'ai cru que ces fils de pute allaient s'étouffer. » Cette année, Bigflo et Oli, d'autres chiffres le disent, sont les rois incontestés des festivals. Comme quoi.

Au Foyer le vendredi 6 juillet à 21h


Keziah Jones

Voilà plus d'un quart de siècle qu'Olufemi Sanyaolu, alias Keziah Jones, trimballe sur les scènes du monde entier son blufunk – mélange de blues et de funk donc, quelque part entre Fela et Prince. Au commencement, comme dans les plus beaux contes musicaux, le Nigérian se faisait remarquer dans le métro parisien – comme d'autres après lui – et imprima dans le cortex collectif un rythme fou qui n'était qu'amour : un tube baptisé Rhythm is love qui lui fit un succès en forme de météore. N'oubliant pas d'où il vient, le chanteur à toque et à torse (nu) retourna dans le métro parigot en 2008 pour une poignée de concerts événements. Élargissant son spectre musical tout au long de sa carrière, le regard néanmoins toujours tourné vers l'Afrique, cet interprète vibrant a entrepris en 2018 de livrer un album de reprises dont on aura sans doute une partie de la primeur en live.

Au Foyer le samedi 7 juillet à 19h15


Bagarre

En cette ère de "bienveillance" généralisée, cache misère d'une violence sociale plus que rampante, rien de tel, avouons-le, qu'une bonne baston – fut-elle symbolique. En découdre, y compris physiquement c'est ce que promet justement les bien nommés Bagarre. Un collectif en Béton Armé, si l'on en croit le titre de leur désormais fameux single, et même armé tout court d'une volonté farouche : de composer ensemble, de se défaire de toute notion de genre (on est quelque part entre la pop de combat et le clubbing déclencheur d'alarme), de transformer chacun de leur concert en inoubliable foutoir et parfois de porter beau le jogging vintage comme signe d'un mauvais goût revendiqué. Absolument indispensable.

Au Club (entrée libre) le dimanche 8 juillet à 15h


Le Villejuif Underground

Australien égaré à Villejuif, Val-de-Marne (c'est un peu comme si un prothésiste dentaire d'Alfortville se trouvait lâché en plein cœur d'Alice Springs, mais à l'envers), Nathan Roche n'aime guère qu'on le compare à Lou Reed (d'un autre côté, Lou Reed aimait-il qu'on le compare à Lou Reed, la question mérite d'être posée ?). Mais a-t-il simplement baptisé son génial groupe Le Villejuif Underground parce qu'il pratiquait une forme plutôt underground de rock depuis Villejuif et que le jeu de mots était tentant ? Pas sûr. Car la parenté est évidente avec le Velvet et son acariâtre leader, qui déborde volontiers sur le psychédélisme garage des Seeds ou une certaine forme de je-m'en-foutisme lo-fi (de je-m'en-foutisme tout court d'ailleurs, ou long comme le bras, tellement il y en a). Une chose est certaine en revanche : Villejuif abrite l'un des meilleurs groupes du paysage rock français. Underground ou non.

Au Club (entrée libre) le lundi 9 juillet à 21h


Juliette Armanet

Le moins que l'on puisse dire c'est que Juliette Armanet s'ancre profondément dans une tradition bien française : celle de l'artiste qui ne laisse pas indifférent, pour lequel on est obligé de trancher, amour ou détestation, slip ou caleçon, il faut choisir son camp. Pour certains, Juliette Armanet est cette fille un peu énervante qui ne chante que des voyelles et ferait passer Véronique Sanson pour une orthophoniste. Pour d'autres, visiblement beaucoup plus nombreux, elle est la révélation francophone de l'année (allez, à égalité avec Eddy de Pretto). Album révélation de l'année aux dernières Victoires de la Musique, la nordiste réconcilie sur les ailes de son immarcescible piano branchés et grand public, ballades évanescentes et disco tranquillisante, Barbara et William Sheller. Et à l'occasion, au détour d'un titre ou deux, détracteurs et admirateurs. C'est pas rien.

Au Foyer le mardi 10 juillet à 20h


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