Désert de feu à Vénissieux

Dernière sensation, particulièrement inventive, de la galaxie musicale touarègue, les Algériens d'Imarhan viennent mettre le feu aux Fêtes Escales en un mélange dévastateur de tradition locale, de rock, de funk et de disco. Immanquable.


Le désert comme piste de danse, la lune comme boule à facettes que fait luire le feu du bivouac au son des guitares. Parfois, sur des amplis à pile les membres d'Imarhan partent jammer autour d'un feu dans le silence du grand rien.

Le groupe est l'un des derniers avatars de ce rock touareg qui dans le sillage désormais presque ancestral de Tinariwen – les premiers à avoir greffé des guitares rock sur la musique traditionnelle de cette vaste région transfrontalière – n'a cessé de se développer au cœur du désert musicalement fertile qu'est devenu ce Sahara où l'on trouve aujourd'hui presque autant de guitares que de grains de sable – « chez nous la musique c'est comme le football au Brésil », dit leur leader Iyad Moussa ben Abderahmane.

Remarqué en 2016, avec un album éponyme et un titre Tahabort, démentiel, produit par le bassiste de Tinariwen cousin du susdit leader, les membres d'Imarhan n'ont à proprement parler pas grandi dans le désert. Ce sont des enfants de la ville – Tamanrassett, dans le sud de l'Algérie – et des jeunes gens de leur temps, aussi connectés aux membres de leur génération que redevables aux anciens du désert, conscients de la vastitude du monde qu'attachés aux traditions tamasheq.

Tradition orale et 3G

Tout cela transpire, c'est le mot, dans une musique, virtuose et souvent cinglante, qui porte à se demander si les meilleurs guitaristes ne sont pas voués à pousser dans le désert. S'emparant du blues touareg, Imarhan, auteur d'un déflagrant Temet cette année, y intègre avec une sophistication sans couture et une efficacité de prédateur des mélodies pop aux frontières du funk, des sonorités africaines aux contours discoïdes, combinant rythmiques chavirantes et guerrières à des messages de paix, d'espoir et d'éducation.

Plus que jamais, et à travers ce groupe, adoubé tant par ses pairs locaux que par l'Occident (Howe Gelb, Steve Shelley, Usher, Kurt Vile les admirent, le label allemand City Slang les héberge) ce rock-là fait ici le pont entre la tradition orale et le monde en 3G, entre le nomadisme ancien et la sédentarité (paradoxale) dans un monde qui bouge.

Magie d'un genre qui pour être né dans des régions où l'accès à l'électricité est toujours un problème a choisi de s'arc-bouter sur un instrument se nourrissant de cette énergie, comme un symbole combiné de la lutte contre l'adversité et de la marche du progrès. Les temps changent, le désert reste, entre les deux, le rock touareg fait mieux que s'adapter. Il évolue, au sens noble.

Imarhan
Au Parc Louis-Dupic à Vénissieux dans le cadre de Fêtes Escales le dimanche 15 juillet à 19h30


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