Antoine Demor tente l'anticipation

Dans La Stratégie de l'Abeille, l'auteur-interprète de talent revient dans un tout autre registre : le théâtre d'anticipation. Un bon shot d'humanité ultra-efficace.


Seul sur scène, Antoine Demor, autodidacte à la plume acérée, campe Loïc, diplômé d'une business school, accusé d'atteinte à la sûreté de l'État et enfermé dans une prison automatique (sans gardien mais avec du café), une puce dans le cou. Nous sommes en 2048 et dans cette société ultra-sécuritaire (pas tellement) fictive, tout écart est proscrit. Ce qu'on lui reproche ? Avoir voulu sortir du moule, d'avoir compris l'aberration du concept « métro-boulot-dodo » et souhaité dénoncer la société de consommation, d'avoir refusé l'hyperconnection, appréhendé l'absurdité du spécisme, imaginé des abattoirs d'humains détenus par des animaux.

Tout ça à cause d'un simple bug informatique : les puces implantées dans chaque humain et contrôlant leurs faits et gestes, inhibant le cerveau pour entraîner des achats compulsifs, éviter le burn-out… ont eu l'effet inverse. Les dirigeants ont commencé à donner leurs dividendes à leurs salariés, les banques à prêter à taux négatif, les migrants à obtenir des cabines individuelles sur leur bateau (et des gilets en soie)... Chaos total.

Depuis sa cellule, il nous conte son histoire, celle d'un salarié épuisé à deux doigts du surmenage, celle d'un homme en décalage profond avec ses contemporains, celle d'un regain de lucidité déconcertant, mais pas complètement défaitiste. Une pièce drôle, écologiste et humaniste qui évoque un futur proche, celui où l'humain retrouve (enfin) conscience de sa force et peut choisir de reprendre le dessus. Ou pas. Ça questionne et ça fait du bien.

Antoine Demor,  La Stratégie de l'Abeille
Au Rikiki Café-Théâtre du 26 au 29 septembre


<< article précédent
Capharnaüm