Philippe Mangenot : « tout le monde est à Avignon ! »

1538 spectacles, 133 lieux, 440 pages de programme. Le Off d'Avignon (du 6 au 29 juillet) bat tous les records. Faut-il se jeter dans la jungle ? Pour quelles retombées ? Dialogue avec le Lyonnais Philippe Mangenot, qui dirige la compagnie Théâtres de l'Entre-Deux.


Vous étiez déjà venu avec Hamlet 60 en 2013 et c'est la seconde année consécutive que vous présentez Regardez la neige qui tombe. Qu'est-ce qui vous pousse à revenir ?
Philippe Mangenot :
J'étais venu pour la première fois avec un spectacle de Camille Germser - déjà au Petit Louvre - que j'administrais et produisais. C'est riche de ces aventures que je reviens : c'est très chouette en terme de public, de diffusion, de presse. Peut-être parce que je suis tout le temps dans le même théâtre et que l'accueil, la relation avec le public, sont bien. Bien sûr, ça coûte de l'argent mais il y a une dimension humaine et c'est pour ça que je ne change pas de lieu. Une fidélité avec le public se crée.

Quand vous venez pour la première fois avec Hamlet 60, vous vous dites que pour que le spectacle vive il faut vraiment passer par la case Avignon ?
Oui. Je l'ai créé au Théâtre de l'Iris. On jouait quinze jours et seulement deux programmateurs sont venus. Si je voulais que ce travail,  que je portais depuis deux ans, ait une vie, il fallait venir. On l'a joué près de 70 fois, Avignon compris. Ç'a donné un vrai souffle au spectacle avec une chose rare : jouer une série de 23 dates. J'aimerais le faire ailleurs, mais ce n'est pas le cas.

Ça signifie aussi que le spectacle a été joué hors de la région Auvergne-Rhône-Alpes car les programmateurs venus à l'Iris sont locaux ?
J'ai joué en Suisse, à Paris pendant une semaine, à Sarlat. Ç'a ouvert des pistes que je n'avais pas.

C'est pour cela que vous amenez Regardez la neige qui tombe ?
Oui. Il y a toujours un risque financier, car on est une compagnie professionnelle qui paye les gens. Hamlet 60 nous a coûté 70 000€ qui recouvrent la location du lieu, le salaire des acteurs, le logement pendant un mois. C'est un investissement important d'autant qu'en 2013, je n'étais quasiment pas subventionné.

Était-ce rentable sur Hamlet 60 ?
J'ai équilibré. Parce qu'on a eu le soutien de l'ADAMI, que ça a bien marché en terme de public et on a la totalité de la recette.

Était-ce le même risque l'an dernier avec Regardez la neige qui tombe ?
Le risque était plus petit. Nous sommes deux au plateau et pas quatre, mais le spectacle a été complet trois semaines sur quatre donc c'est très agréable.

Pourquoi revenez-vous si tout le monde l'a vu ?
Les gens du Petit Louvre nous l'ont conseillé. J'avais une petite déception en terme de diffusion. On a eu moins de programmateurs que sur Hamlet. Je ne sais pas si c'est parce que c'est Tchekhov, que c'était très intimiste, que, contrairement à Hamlet, on se coupait des grands théâtres et des scènes nationales, car il nous faut une jauge de 250 places maximum. On est revenu aussi pour prendre des rendez-vous, rencontrer des programmateurs, parler de la prochaine création (*). Tout le monde est à Avignon !

Comment exister dans la masse de spectacles ? 
Faire des parades dans la rue, je ne peux pas et je ne m'imagine pas le demander aux acteurs. En revanche, c'est quand même le seul endroit où, comme hier, je peux discuter avec trois dames que je ne connaissais pas. On a parlé du théâtre, elles sont venues voir le spectacle et on a échangé de nouveau après. Ces rencontres peuvent avoir lieu, ici, en tractant. Quand des personnes me disent qu'elles ne pourront pas venir au spectacle, ça n'empêche pas de parler de Tchekhov. 

Comment sort-on de trois semaines d'Avignon ?
Je fais une semaine de jeûne car j'ai besoin de me laver à tous les niveaux ! On est dans un intense tourbillon : j'ai besoin de retrouver une simplicité, une solitude.

Regardez la neige qui tombe
Au Petit Louvre dans le cadre du Festival d'Avignon à 15h50

(*) La prochaine création sera Pig Boy de Gwendoline Soublin


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