Bresson et Lumière


Né en 1901, mort en 1999, Robert Bresson épousa les contours du XXe siècle autant que ceux de son art. S'il fut un temps le doyen des cinéastes français, sa réputation d'austérité formelle, d'intransigeance rigoureuse et de réserve hautaine contribuèrent à dresser de son élégante personne cachemirée l'image d'un théoricien roide. À tort, à raison…

À la veille des vingt ans de sa disparition, une grande partie de son œuvre — qui, à l'instar de Kubrick, ne compte que 13 titres — a bénéficié d'une restauration rendant justice à son exigence comme à ses méthodes. Pour Bresson en effet, le “cinématographe“ (nettement distingué de son apocope, ce “cinéma“ qu'il abhorrait) était davantage qu'un langage neuf : un art inédit devant s'affranchir de tous les autres en s'inventant des techniques propres de jeu, de récit, d'esthétique.

La maison des inventeurs du cinématographe est donc toute trouvée pour accueillir cette rétrospective en douze stations cardinales : des Anges du péché (1943) à L'Argent (1983), c'est une œuvre marquée par l'introspection spirituelle et le détachement de la chose matérielle, ce poison qui leste les destinées terrestres et parasite les rapports humains. La chair y est parfois désincarnée ; le verbe use de la parole et des comédiens — ou plutôt, des “modèles“, selon l'expression bressonnienne consacrée — comme d'un véhicule insolite. La machination sentimentale (Les Dames du bois de Boulogne), le suspense minimaliste et chuchoté (Un condamné à mort s'est échappé), la métaphysique à hauteur d'homme d'église (Journal d'un curé de campagne), de paysanne (Mouchette), ou d'âne (Au hasard Balthazar) ; quel que soit le sujet ou l'époque choisie, une formidable modernité rend chacun de ses films à l'épure ascétique contemporain du temps de sa projection. Les voici tous à présent de 2018.

Rétrospective Robert Bresson
À l'Institut Lumière​ jusqu'au 7 octobre


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