7 spectacles pour lesquels vous devriez réserver

De Joël Pommerat à l'implacable Tatiana Frolova, voici sept pièces aimées ou prometteuses sur lesquelles nous misons cette saison.


Départ flip

Ils et elles grimpent sur un toit de cordes et rampent. Nous les regardons là-haut comme nous regarderions au zoo une kyrielle de singes se mouvoir avec attention et agilité. Les trapèzes ? Ils sont leurs objets collectifs car c'est bien à la rencontre avec une tribu que nous convie Aurélie La Sala, ancienne boxeuse, circassienne qui a repris seule la compagnie Virevolt fondée avec Aurélien Cuvelier. Sans numéros d'épate, au sol, dans les airs, amassés sur un cube à 80 cm du sol comme si une mer menaçante allait les aspirer, les acrobates signent un spectacle bouleversant sur ce qu'il nous reste de liberté, la capacité et/ou la nécessité d'être seul ou plusieurs, comment on se débat avec les contraintes extérieures et nos urgences intérieures. Superbe.

À Villefontaine le 23 novembre
À Villefranche le 4 mai


Je n'ai pas encore commencé à vivre

Ce fut une claque. Tatiana Frolova ne nous est pourtant pas inconnue. Grâce au festival Sens interdits, elle présente même à Lyon son quatrième spectacle qui revient en seconde saison aux Célestins (joué au Point du Jour) pour une nouvelle série de dates. Du fond de sa Sibérie, elle a inventé son spectacle le plus abouti, ni trop froidement politique ni trop anecdotico-personnel, se remémorant sa grand-mère née kolkhozienne alors qu'aujourd'hui il y a des barreaux aux fenêtres en rez-de-chaussée des immeubles mais n'oubliant pas d'égrener sur un tableau noir le nombre de morts du communisme. Jusqu'à cette époque poutienne où « la société n'a plus de sens et s'ennuie ». Implacable.

Aux Célestins (Point du Jour) du 27 novembre au 12 décembre


La Réunification des deux Corées

Alors qu'il créait trois pièces en 2011, Joël Pommerat n'a rien proposé de neuf depuis Ça ira (I) en 2015 auquel on ne sait s'il y aura vraiment une suite. Il a beaucoup travaillé dans les prisons, participé à la version opératique de Pinocchio. Du coup, voici qu'apparait un peu réchauffée cette Réunification des deux Corées créée aux Ateliers Berthier de l'Odéon quand il y était artiste associé. Ce titre ne recouvre strictement rien de politique. Mais, au travers de saynètes, pour un public en bi-frontal, il traque l'incommunicabilité entre les êtres au point de tutoyer la folie comme ces parents qui rentrant de soirée retrouvent leur baby-sitter sans leur enfant. Y'a-t-il eu un drame ? Est-ce la mère qui divague ? Est-elle vraiment sortie ce soir-là ? La nounou existe-elle vraiment ? Tout est sujet à interrogation et le réel, comme dans Je tremble, est sujet à caution.

Au TNP du 10 janvier au 1er février


La Cerisaie

Ils avaient presque élus domicile à Lyon, au Point du Jour époque Michel Raskine. Et c'est peu dire que ces Flamands nous manquaient. Ils reviennent à la Mouche avec La Cerisaie en version française et, avec leur façon très brute d'aborder un texte, Tchekhov semble être né ces dernières décennies. Il n'y a plus rien dans cette baraque à vendre si ce n'est une baie vitrée. Abattre les arbres est toujours aussi douloureux pour ceux qui ont vécu ici. On s'embrasse, pleure, fait des dernières fêtes avant l'oubli et la trahison. Les dettes et le passé se soldent entre deux chaises en formica. Vivifiant et direct. Stop Thinking About Name comme le veut l'acronyme de leur compagnie, STAN. Juste un récit.

À La Mouche les 12 et 13 janvier


Perdu connaissance

Le spectacle n'est pas créé (ce sera en octobre au CDN de Dijon) et pourtant il intrigue. Parce que la compagnie du Théâtre Déplié fait – a priori - théâtre de peu. Dans Le Pas de Bème il n'y avait que des chaises pour délimiter un carré de jeu et cela suffisait à produire du théâtre. Parce que les spectacles de cette troupe francilienne sont faits de questions simples dont les répercutions sont multiples : qu'est-ce que cela entraine d'objecter (Le Pas de Bême) ? Comment envisager une catastrophe (Récits des événements futurs) ? Dans Perdu connaissance, il sera question de la vérité. Est-ce un besoin ? Comment y parvient-on ? Chacun des six acteurs, au cours de séances d'improvisation menées par le metteur en scène Adrien Béal, aura cherché des réponses pour tenter de faire socle commun. Ce qui pourrait ne produire qu'une bouillie indigeste a jusque-là été le terreau d'une matière théâtrale forte.

Aux Subsistances du 18 au 20 mars
À L'Hexagone les 26 et 27 mars


Mon cœur

Créé début 2017, ce spectacle a fait date chez ceux qui l'ont vu. La jeune autrice et metteuse en scène Pauline Bureau est allée à la rencontre des victimes du Médiator dont la pneumologue Irène Frachon a révélé la toxicité en 2010. Entre un et deux milliers de personnes ont succombé aux effets de ce coupe-faim. Au théâtre, c'est la parole des rescapés qui est restituée pour donner à voir comment ils s'en sortent, comment la justice les accompagne. Après des recours en pagaille des Laboratoires Servier, le procès de ce scandale sanitaire aura enfin lieu l'an prochain. C'est la première fois que la compagnie normande La Part des Anges sera accueillie à Lyon. Elle sera au printemps prochain invitée à la Comédie-Française. Excusez du peu.

Au Théâtre de la Croix-Rousse du 26 au 29 mars


Ma cuisine

Dans ce pays où les obsèques des 3 étoiles virent au deuil national, Sylvain Maurice créera cette saison dans son CDN de Sartrouville une pièce dont la cuisine est le décor principal. Terrain de jeu évident (cf. La Cuisine de Stavisky ou Les 7 Doigts de la Main), cet endroit est aussi de plus en plus reconstitué sur scène pour les odeurs qui en émanent et le bruit des ustensiles (Festen par Cyril Teste, My Dinner with Andre par les Tg STAN, Saïgon par Caroline Guiela Nguyen…). De ce lieu en mouvement permanent, le metteur en scène, épaulé par Thomas Quillardet dont on avait tant aimé les variations sur Rohmer l'an dernier (Où les cœurs s'éprennent), va faire ressurgir les souvenirs de ses personnages et nous livrera une dégustation à l'issue de ce travail musical et vidéo qu'on imagine aussi pointilleux que son adaptation de Réparer les vivants mais délesté de ce texte larmoyant.

Au TNG-Ateliers les 24 et 25 mai


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Villefranche, 5C, Point du Jour : leurs têtes tournent