Tati Chloé

La jeune performeuse et sculptrice Chloé Serre ouvre à la BF15 plusieurs chantiers (chorégraphie, exposition) afin de cerner, par le geste et par l'espace, ce qui constitue l'os même de nos relations aux autres.


« Ouvrez quelques cadavres : vous verrez aussitôt disparaître l'obscurité que la seule observation n'avait pu dissiper ». C'est avec cette phrase, presque avec ce geste, que Xavier Bichat ouvrait en 1801 l'ère de la médecine moderne. En 2018, chorégraphes et artistes ouvrent, eux, des corps vivants afin de parfaire l'observation de notre société contemporaine, la "clinique" de notre monde et de ses malaises et travers...

Avec rage et violence chez la chorégraphe Maguy Marin (voir notre chronique de sa création Ligne de crête sur notre site), avec plus de douceur et dans un esprit beaucoup plus burlesque chez la jeune plasticienne et performeuse Chloé Serre. Nourrie des écrits du sociologue Erving Goffman (La mise en scène de la vie quotidienne), l'artiste tente, en objets sculptés et en petites performances chorégraphiques, de transcrire « cette trame invisible qui régit nos gestes, nos comportements déterminés par un mode de vivre ensemble ».

Un ascenseur qui s'échafaude...

Chloé Serre présente à la BF15 sa première exposition personnelle, qu'elle a pensée en plusieurs volets, dont un après-midi chorégraphique lors duquel cinq danseuses du CNSMD viendront activer ses objets et ses sculptures (volontairement simplifiés et suggestifs) pour jouer trois scènes de la vie de tous les jours : les rituels d'une salle d'attente, les angoisses et les embarras d'un séjour en ascenseur, les tribulations groupales au sein d'un bus... Les danseuses en tuniques bleu et orange semblent de modernes prêtresses tout droit sorties, de par leurs gestuelles et leurs drôles de postures, d'un film de Jacques Tati (Playtime par exemple).

Tout ici est rite, hiératisme, burlesque, comique de situation... Les normes se brisent dans un éclat de rire ou une overdose d'absurdité, et les interactions sociales se déploient comme autant de petits combats mesquins pour l'occupation d'un espace à la fois réel et symbolique... La simplicité, l'abstraction, le burlesque visent ici à toucher l'os même que recouvre et entoure notre chair sociale bien éduquée.

Chloé Serre, Les conventions ordinaires
À la BF15 jusqu'au 17 novembre
Épisode chorégraphique le samedi 29 septembre de 14h à 19h (entrée libre)


<< article précédent
De Louis Sclavis à Archie Shepp