Pop à la turque

Fasciné par la scène pop turque des années 60 et 70, le bassiste-digger néerlandais, Jasper Verhulst a fondé le groupe Altin Gün à seule fin de la faire revivre sur scène et sur disque. Et créé un monstre de groove psychédélique dont le culte ne cesse de grandir.


C'est à Nuits Sonores 2018 et lors de la carte blanche à Amsterdam que l'on a pu découvrir à Lyon le groupe Altin Gün. Lequel aurait très bien pu s'intégrer à une carte blanche à Istanbul tant la musique qu'il pratique est proche de l'essence de la pop turque d'une certaine époque.

La réalité, c'est que les choses sont un peu plus compliquées que cela et à mi-chemin de la cité de Johan Cruyff et de l'ancienne Constantinople – ce qui nous situerait quelque part en Hongrie s'il était question d'un trajet en voiture, mais là n'est pas le sujet.

D'abord l'on a d'un côté un ouvrier du psychédélisme, Jasper Verhulst, ci-devant bassiste du groupe de Jacco Gardner, souvent présenté comme le Syd Barrett batave. De l'autre, l'âge d'or de ce que l'on appela dans les années 60-70 du côté de la Turquie, l'Anadolu rock, mêlant mélodies traditionnelles asiatiques et acidités psychédéliques européennes.

C'est la découverte par le susnommé Jasper, grand amateur de galettes vintage, de ce courant incarné notamment par Erkin Koray, Baris Manço ou la "Joan Baez turque" Selda Bagcan, et le choc engendré par cette découverte qui fait jaillir comme une étincelle un projet baptisé Altin Gün.

Mécanique ondulatoire

Pourquoi en effet se contenter de collectionner les disques de cet âge d'or (« Altin Gün » en Turc) quand on peut le faire revivre sur scène ? Telle est la question posée par le bassiste fétichiste. Une interrogation à laquelle Verhulst ne tarde pas à répondre : il commence par enrôler deux autres lieutenants de Gardner, Ben Rider (guitare) et Nic Mauskovic (batterie), puis se presse de rallier à la cause une chanteuse et un chanteur turcophone, la rousse à la voix d'or Merve Dasdemir et Erdinc Yildiz Ecevit, également joueur de saz, un luth traditionnel à manche long, ainsi qu'un percussionniste, Gino Groeneveld, versé dans l'afrobeat sauce batavia.

L'idée : reprendre les grandes figures de l'Anadolu rock en y injectant une bonne dose de subjectivité contemporaine et de psychédélisme rétrofuturiste – le genre d'approche apprise par cœur aux côtés de Jacco Gardner.

Le résultat, par bonheur gravé sur disque – édité par le label... suisse Bongo Joe, spécialiste de ce genre de croisements – après des dizaines de concerts ayant ouverts les portes du culte au groupe, est passablement diabolique – probablement au sens propre vu de Turquie d'ailleurs. Comme affecté d'une mécanique ondulatoire si profondément hypnotique qu'on finit par en perdre tout repères : Pays-Bas, Turquie, années 60-70, 2018, peu importe le flacon et sa datation, ici l'ivresse frappe fort.

Altin Gün 
Au Périscope le lundi 15 octobre


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