Ciel dégagé à l'Élysée

Une famille se débat dans un deuil. Coup de poing à l'Élysée.


Ce spectacle est d'une délicatesse paradoxale. Durant 1h15, le texte est mitraillé parce qu'il est bien difficile de trouver des nuances dans cette histoire familiale étouffante, contenue dans un petit appartement d'une tour où une mère fraîchement veuve et ses trois ados n'ont plus que le silence des non-réponses ou les phrases cinglantes à s'adresser.

Les gamins ont l'âge de ne plus vivre avec elle, ils travaillent mais ne peuvent se payer que de quoi manger. Ainsi se dresse par touches, l'état d'un pays qui castre sa jeunesse et induit que le seul garçon de la famille joue la provoc en s'exhibant nu dans la rue. Guillaume Poix, formé en dramaturgie à l'ENSATT, livre un texte parfaitement nommé tant il est question d'espoirs vrillés écrasés au sol, souvent drôle et très remuant.

Bien sûr, il laisse peu de marge aux comédiens, emmenés par l'impeccable Véronique Kapoïan-Favel (aussi à la mise à la scène), qui jouent haut, la voix éraillée, gueularde aussi mais nous sommes dans des rapports humains qui n'ont rien d'angéliques ; le fou-rire de la mère sera une variante pour s'octroyer en vain un moment avec sa fille. Dans un décor étriqué (deux angles de murs pour figurer l'appart), tout existe pourtant : le dehors (une tour qui s'effondre à l'horizon), le temps (fustiger une petite pluie d'été, les mois qui défilent par les apparitions fantomatiques du père) et bien sûr ce qui se joue au dedans (trier les vêtements du mort, faire Noël en février).

Si ce n'est deux infimes apparitions de silhouettes imaginaires, cette création est une réussite indéniable, modeste et poignante.

Et le ciel est par terre
À l'Élysée jusqu'au vendredi 12 octobre


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