L'empire de la Frustration


« We live in excess » clame Frustration sur son troisième album (Empires of Shame, sorti en 2016) dans une atmosphère de lendemain de fête post-punk – comprendre d'apocalypse. Déploration d'un constat pas vraiment à l'amiable davantage que déclaration frondeuse.

Car le groupe de Fabrice Gilbert qui continue de fouler le territoire vocal de Mark E. Smith et Ian Curtis, semble rendu à une forme extrême d'épure et de minimalisme (ce qui est un pléonasme le concernant), resserrant les rangs comme les sphincters pour mieux aller à l'essentiel sous une lune de fiel.

Mais il faut cela pour dérouler le constat clinique de ce qui continue de justifier le choix d'un tel nom, Frustration, sans pour autant baisser les bras, et que véhicule des titres comme la ballade malade, Arrows of arrogance, petite tumeur de fausse rémission au milieu des métastases punk, le dépenaillé Mother Earth in Rags (« la terre en haillons »), mais aussi Dreams, Laws, Rights and Duties, Empires of Shame, qui forment le portrait impressionniste d'un monde en décomposition, ruiné par la cupidité et courant à la catastrophe, matérialisant dans la réalité les prophéties et les cris d'alarmes punk d'il y a plus de quarante ans, moins folkloriques qu'il n'y paraît.

C'est ce flambeau vacillant que Frustration, qui s'est toujours refusé à la professionnalisation (ses membres ont un "vrai métier", comme on dit) et ne distille sa colère qu'avec parcimonie (trois albums en quinze ans) continue de porter pour tenter d'enflammer les consciences sans se bercer d'illusions.

Sur la pochette d'Empires of Shame : un tribunal. Le jugement dernier, terrestre ou pas, est à venir et ce que nous dit Frustration froidement, simplement, comme un rendu de justice, c'est qu'à défaut de condamner les responsables de ce gâchis, nous y passerons tous.

Frustration + Pogo Car Crash Control
À l'Épicerie Moderne le samedi 3 novembre


<< article précédent
Défunts justifient les moyens : "Ta mort en short(s)"