Haut, bas, fragile


Dominique A l'affirme dans l'interview qu'il nous a accordé : il a toujours été vieux. C'est pourtant vers une seconde jeunesse que le musicien de 50 ans se tourne avec La Fragilité, revenant, comme au temps de La Fossette, il y a un plus d'un quart de siècle, mais aussi de La Musique – deux de ses albums préférés – à l'intimité de sa chambre. Là où s'épanouit l'épure de l'enregistrement solitaire sur un 8-pistes en la seule compagnie d'une boîte à rythmes et, surtout, de la guitare acoustique aux nylons usés achetée au moment de La Mémoire neuve (1995). Une sorte de contre-pied à Toute Latitude, sorti au printemps et brûlant de rage électro-rock (la terreur sourde de Corps de ferme à l'abandon...).

Ici, la chose éclôt en douceur avec La Poésie, écrite au lendemain de la mort de Leonard Cohen et de l'élection de Donald Trump le jour suivant, deux sacrés coups portés à la poésie du monde. Poésie dont Dominique A sauvegarde la flamme sur son Songs from a room à lui, avec des titres tels que Comme au jour premier, La splendeur, se réjouissant dans une ambiance mélancolique de la contemplation de la vie qui va, de ses hauts, donc, comme de ses bas (Le Ruban, Le Grand silence des campagnes), de sa fragilité aussi (J'avais oublié que tu m'aimais autant, Le Soleil, le rassérénant Le Temps qui passe sans moi, la chanson-titre La Fragilité), en une tentative sans cesse répétée, comme il le chante sur la chanson-titre, justement, de « ne pas devenir insensible ».

Sensible, humant l'air du temps et épongeant les non-dits de l'existence, Dominique A n'a jamais cessé de l'être malgré les années qui blindent parfois l'esprit. Ce disque d'une infinie délicatesse, grand frère lumineux du mal peigné La Fossette et chambre d'écho de ses obsessions de toujours, en est le fragile témoignage.

Dominique A, La Fragilité (Cinq7 / Wagram)


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Dominique A : « les chansons phagocytent ma vie »