Des chants au grand jour

Au cri dans la nuit, Marta Gornicka préfère la chorale de ces hommes et femmes debouts, dressés face au monde. Le festival Sens interdits offre en son année off cette première date en France du spectacle de la Polonaise à qui il est fidèle.


Un hymne à l'amour. Voilà comment la Polonaise Marta Gornicka nomme cette création née à Poznan en janvier 2017. Durant une heure, face public, 25 hommes et femmes, de tous âges et même des enfants, forment un chœur, selon le mode d'expression que la metteuse en scène pratique. Nous n'avons pas vu ce spectacle mais Chœur de femmes présenté dans le festival Sens interdits 2013, deux ans après que celui-ci ait accueilli RequieMachine et Magnificat. Que disaient-elles, ces femmes ? Que le pouvoir est entre leurs mains, qu'elles n'ont peur de rien, refusent les diktats et que l'avenir leur appartient. Banal ? Certainement pas.

Entre temps, le mouvement #metoo a mis au jour le manque abyssal d'écoute de la parole féminine. La Pologne a sérieusement régressé en la matière avec une loi de plus en plus restrictive concernant l'IVG, les nationalistes prennent le pouvoir jusqu'à la nausée (Italie, Autriche...) ou entrent des les assemblées (l'AfD en Allemagne). Alors, les œuvres de Marta Gornicka s'imposent d'autant plus. Hymn to love poursuit précisément ce qu'elle a initié avec Mère Courage de Bertolt Brecht. « Ici, elle mixe discours politique propagandiste, chants patriotiques, culture pop » nous confie Patrick Penot, fin connaisseur de la Pologne qui se souvient, en 2010, avoir « pris son travail en pleine poitrine. Oui ces chœurs sont du théâtre ! Rageur, féministe, courageux, malicieux et exigeant. »

Un chant – des signes

Marta Gornicka collaborait alors avec la chorale Chor kobiet et Jubilat : des femmes de tous âges, toutes professions (reporter, géographe, couturière, femme au foyer et deux ou trois actrices sachant chanter). Désormais, il y a un plus fort quota de professionnels imposés par le Théâtre de Poznan, producteur de Hymn to love. In fine, il s'agit bien toujours de la même lutte : créer pour résister. D'autres que la France perçoivent la nécessité de diffuser ses pièces voire de les initier. Ses deux dernières en date (Jedem das Seine, ein Manifest et Grundgesetz) sont nées en Allemagne l'an dernier où elle a fait un tabac.

Elle est actuellement associée au Gorki Theater de Berlin, l'un des lieux les plus remuants de la scène européenne. Quinze jours plus tard, une autre artiste majeure révélée en France par le festival reviendra ici : la russe Tatiana Frolova avec le très puissant Je n'ai pas encore commencé à vivre.

Hymn to love
Aux Célestins le mardi 13 novembre


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Pupille