Johnny Guitar

Après une seconde vie de mercenaire, l'ex-compositeur et guitariste mythique des Smiths, Johnny Marr, enfonce avec son premier album personnel le clou d'une carrière solo très tardive entamée en 2013. Et prouve qu'il n'est jamais trop tard pour (re)trouver sa voie. Et sa voix.


Longtemps homme de l'ombre, Johnny Marr aura mis plus de trente ans, depuis la séparation des Smiths dont il était le guitariste carillonnant et l'ingénieux du son, pour investir le devant de la scène.

L'ex-alter ego/Némésis de Morrissey a ainsi multiplié les collaborations, où ses talents de caméléon musical lui permettaient de briller dans le brouillard, que ce soit aux côtés de The The, des Pretenders, de Modest Mouse, de Bryan Ferry, des Pet Shop Boys, au sein d'Electronic, formation née de son association avec le chanteur de New Order et autre monument mancunien, Bernard Sumner, des dispensables Cribs ou de ses Healers, et n'a commencé à assumer de se produire en solo qu'en 2013 avec The Messenger immédiatement suivi de Playland (2014).

Mais ces deux premiers albums solos, tournés vers une esthétique post-punk, décevaient plus qu'autre chose, Marr ne parvenant guère à transformer l'essai, que ce soit comme songwriter à part entière ou comme chanteur. Finalement, c'était encore en live, où il allait jusqu'à interpréter lui-même des titres des Smiths sur l'album live Adrenaline Baby - Johnny Marr Live (2015) – un exercice dans lequel il se révélait surprenant de justesse – que Marr semblait enfin, tout un symbole,  se libérer du poids de son statut d'éternel side-man.

Mojo

En 2018, Johnny Marr semble goûter de plus en plus à la lumière et le prouve avec Call the Comet où – comme un fruit de ses multiples collaborations mais aussi des influences qui dès son plus jeune âge balayaient un large terrain musical et infusèrent subtilement la discographie des Smiths – il fait étalage de sa palette, retrouvant le mojo qui lui permettait de dérouler à la chaîne mélodies catchy (Rise, The Tracers) et atmosphères hypnotiques (Walk into the Sea). Cela en variant les niveaux d'intensité (le tranchant glam d'Hey Angel) et en alignant les clins d'œil (New Dominions dans une veine évoquant un coup d'un soir entre Bauhaus et Suicide, Actor Attractors, comme tombé du camion Depeche Mode, My Eternal et sa cold wave glaçante).

L'ensemble, disparate, pourrait dérouter si on ne retrouvait le son de guitare si caractéristique de Marr et si son chant n'était à ce point au diapason de ces différentes embardées.

Mais ironie ultime c'est pourtant sur les smithiens Day in Day Out et plus encore Hi Hello, qui résonne des échos (et des cordes) du There's a Light That Never Goes Out, que Marr touche en plein cœur. Comme dans une forme réussie d'acte manqué.

Johnny Marr
À l'Épicerie Moderne le mardi 27 novembre


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