Géométrie variable

À la pointe de la branchitude rock & style du moment, Kikagaku Moyo puise dans l'héritage psychédélique et dans la tradition japonaise les éléments d'un rock kaléidoscopique voué à élever les âmes et le corps. Et même à dompter votre "singe mental".


Qualifié de groupe le mieux fringué de la décennie (rien que ça) par un spécialiste du genre : le magazine GQ, et par Fip de formation la plus planante du pays du Soleil Levant, Kikagaku Moyo est sans doute ce qui se fait de plus cool au Japon en ce moment, à égalité avec, dans un tout autre genre, le quatuor Dygl, accoucheur de tubes en série qui gagne à être connu.

Du haut de leurs coupes de cheveux à la Yoko Ono période Two Virgins, les Kikagaku Moyo, dignes héritiers émancipés d'Acid Mothers Temple et Flower Travellin' Band, pratiquent eux un mélange qui fait pousser les cheveux de folk à la sauce American primitivisme, de psychédélisme rock aux marbrures jazz, de musique indienne et de krautrock sujet aux extrasystoles métal lorsque la bête à cinq têtes s'emballe – notamment en live où l'improvisation sauvage affole les compteurs Geiger.

Le tout porté notamment par le sitar électrique du prodige Ryu Kurosawa, machine quantique soumise aux plus extrêmes paradoxes spatio-temporels.

Psych Fest

Et si cette musique sans passeport a surtout séduit en Europe et aux États-Unis, où le groupe créé en 2012 par l'autre Kurosawa, Go (chant, batterie), et Tomo Katsurada (chant, guitare) commence à faire l'objet d'un petit culte à force d'écumer les Psych Fest d'Austin, Los Angeles ou Liverpool, c'est bien du côté du Japon qu'elle puise une inspiration trempée dans la puissante tradition animiste locale.

C'est notamment à Mère Nature, sa géométrie et ses caractéristiques kaléidoscopo-psychédéliques, que le groupe doit notamment un nom qui signifie dans notre langue « motifs géométriques ». Également proche des principes de méditation du maître bouddhiste Mingyur Rinpoche : à savoir donner à son "singe mental" – qui matérialise le bavardage de la pensée –, un objet sur lequel se concentrer, Kikagaku Moyo s'accomplit aussi dans l'ailleurs, nourrissant son récent album Masana Temples de ses expériences de voyages autour du monde. Un disque enregistré à Lisbonne et sorti sur leur label Guruguru Brain, entièrement voué au défrichage du psychédélisme asiatique.

C'est de ces allers-retours entre introspection et ouverture, atavisme local et déambulation mondialiste, spiritualité et dévouement à la forme, inspiration et improvisation que ce quintette chevelu tire sa singularité. Là et accessoirement dans le fait que Kikagaku Moyo est sans doute l'unique formation rock à l'Est de l'Oural dont le bassiste s'appelle Guy.

Kikagaku Moyo 
Au Jack Jack le mercredi 28 novembre


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