Quand la TV inspirait Hitchcock


L'engouement actuel pour les séries, vues par certains et certaines comme une alternative définitive au cinéma, rappelle le premier âge d'or de la télévision dans les années 1950 aux États-Unis, où quelques cinéastes de renom appâtés par de jolis chèques (et la perspectives de s'essayer à des conditions de tournage différentes) passèrent du grand au petit écran. Hitchcock fut sans doute le plus célèbre d'entre eux, imprimant sa ronde silhouette sur un programme à son nom, Alfred Hitchcock présente. S'il n'en réalisa qu'une poignée d'épisodes — se contentant d'apparaître en prologue et épilogue — il tourna par ailleurs des téléfilms loin d'être anodins, lui permettant d'étancher ses désirs d'expérimentations. Comme le prodigieux Incident at a corner (1960) chef-d'œuvre rarissime sur la question du regard, que la rétrospective s'honorerait d'exhumer. 

Durant cette féconde période 1955-1962, Hitchcock transposa la légèreté (et la rapidité) des tournages télévisuels aux plateaux de cinéma, se désencombrant le plus possible des contraintes des super-productions qu'il continuait de tourner. C'est ainsi qu'entre Une main au collet et un Homme qui en savait trop (deuxième version), on trouve Mais qui a tué Harry ? (1955), farce macabre aussi impertinente que visuellement flamboyante — le mérite en revient conjointement au cadre du Vermont automnal, à la photo de Robert Burks et au charme pétillant d'une débutante prometteuse, Shirley MacLaine. On s'y frotte à un cadavre un brin insolent car il pourrait bien avoir été tué par… tout le monde. Il faut avoir eu une éducation anglaise pour apprécier ce genre d'humour délicieusement macabre. On restera non dans l'humour, mais le macabre, l'éducation et les contraintes de tournage télévisuelles pour un opus redéfinissant les standards du cinéma horrifique en inventant le genre slasher, Psychose (1960). Mais comme l'on risque d'être coupé brutalement, ce qui doucherait les enthousiasmes, mieux vaut remettre cette discussion à plus tard…

Rétrospective Hitchcock
À l'Institut Lumière jusqu'au mardi 12 février


<< article précédent
Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain