Leto

de Kirill Serebrennikov (Rus-Fr, 2h06) avec Teo Yoo, Roman Bilyk, Irina Starshenbaum…


URSS, au début des années 1980. Sous le joug d'un régime communiste expirant, une scène rock tente d'émerger, soumettant ses textes aux dirigeants des maisons de la culture. À Leningrad, un jeune musicien émule d'Iggy Pop, Bowie et des Talking Heads, va éclater. Son nom ? Viktor Tsoï. 

Les plus quadra-quinquagénaires se souviendront peut-être d'avoir entendu au détour des bandes FM, par l'entremise du camarade Maneval notamment, une poignée d'enregistrements furieusement exotiques souffrant quelques distorsions, gagnées sans doute durant le franchissement du Rideau de fer, parmi lesquels le trépidant Mama Anarkia des Russes de Kino

C'est aux prémices de ce groupe, dont l'âme était Viktor Tsoï, que l'on assiste ici par le cinéma, qui se dit “Kino“ en russe. Une manière de boucler la boucle, loin d'être la seule. Car la situation de cette figure culturelle contestataire du passé trouve des échos dans celle de Serebrennikov, voix divergente contemporaine, assigné à résidence par le Kremlin depuis le tournage de ce film. Officiellement, pour détournement de subventions ; plus vraisemblablement pour homosexualité et pour avoir fait preuve d'indocilité chronique au théâtre ainsi que d'insolence sacrilège dans son renversant pamphlet Le Disciple.

Si Leto appartient à l'épuisante catégorie “biopic“, il s'en échappe volontiers par la fantaisie en assumant — en la hurlant ! —  la part fictive du film, en marquant des ruptures clipesques sur le mode “voilà comment les choses auraient pu se passer“, où l'image scarifiée et la chanson prennent le pas sur la froideur factuelle d'un ensemble souligné par un noir et blanc certes splendide, mais soviétiquement rigoureux. Les séquences qui en découlent, sur Psycho Killer et The Passenger notamment, sont électrisantes. Très punk, dans l'idée.


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