Une affaire de famille

de Kore-eda Hirokazu (Jap ; 2h01) avec Lily Franky, Sakura Andô, Mayu Matsuoka…


Le fantasque Osamu est l'affectueux père d'une famille vivant de petites rapines et autres combines. Un jour, il ramène à la maison une gamine maltraitée par ses parents et convainc sa femme de la recueillir comme si elle était leur fille…

Personne ne niera que Kore-eda a de la suite dans les idées lorsqu'il s'agit de dresser des portraits de familles nippones singulières — c'est-à-dire appelées à se reconfigurer à la suite de la perte ou de l'ajout subit d'un membre. Pour Une affaire de famille, il empile les tranches de vies canailles, s'amusant dans un premier temps à faire défiler des instantanés du “gang“ Osamu. Plus attendrissant que redoutable, ce père aimant tient davantage du bras cassé folklorique “toléré“ par ses victimes que du féroce yakuza. Si le point de vue rappelle celui de The General (1997) de Boorman ou les Arsène Lupin dans la façon de construire une figure avenante à partir d'un malfrat, la modicité des larcins d'Osamu le dispense d'avoir à narguer les forces de l'ordre : l'estime dont il bénéficie demeure ici circonscrite à une sphère très privée, à laquelle se trouvent donc associés les spectateurs. Des spectateurs frappés dans un second temps par une série d'uppercuts, quand le drame fera sa brutale irruption, infléchissant l'histoire jusqu'à son imprévisible terme, aux confins du mélo. Un chaud et froid déchirant face auquel nul ne saurait rester de marbre.

Œuvre s'adressant à l'affect, Une affaire de famille marque enfin l'ultime apparition chez Kore-eda de Kirin Kiki : la grand-mère fétiche de ses derniers films s'est en effet éteinte en septembre, sans avoir le bonheur de savourer le succès public au Japon de cet opus, en parvenant toutefois à faire étrangement rejoindre fiction et réalité. Le propre des grandes artistes…


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Kore-eda Hirokazu : « créer un malaise et un tiraillement chez le spectateur »