L'Homme fidèle

De et avec Louis Garrel (Fr, 1h15) avec également Laetitia Casta, Lily-Rose Depp…


Un jour, Marianne annonce à Abel qu'elle est enceinte de leur ami Paul et qu'elle le quitte. Abel encaisse. Dix ans plus tard, Paul est mort et Abel revient dans la vie de Marianne, désormais mère de Joseph. Il faut aussi compter avec Ève, jeune sœur de Paul, éprise depuis toujours d'Abel…

Serait-ce un Conte moral inédit, une romance truffaldienne, un drame bourgeois chabrolien où soudain surgit une fantastique étrangeté ? À moins qu'il ne s'agisse d'une de ces relectures à la Desplechin revivifiant le genre “film en appartement parisien“…  L'Homme fidèle, comme Garrel, ne peut renier sa filiation avec la Nouvelle Vague et à ses héritiers — elle est de toutes façons constitutive de son identité, pour ne pas dire inscrite dans ses gènes. Synthèse habile du cinéma des aînés, bénéficiant de surcroît de la “patte“ d'un coscénariste chevronné en la personne de Jean-Claude Carrière, ce film est une splendeur d'équilibre, de délicatesse et de surprises — les réactions des protagonistes étant tout sauf convenues. Ainsi la brutale scène de rupture initiale pourrait-elle tenir de la comédie comme du drame ; elle n'appartient pourtant à aucun de ces registres exclusivement, définissant un entre-deux de sidération plus proche de la vie que la fiction. 

Entre le Léaud des Godard précoces et le Poupaud des Rohmer tardifs, Garrel incarne un Pierrot lunaire spectateur médusé par sa propre histoire ; un amoureux bien sûr mais surtout un homme soumis à la temporalité du désir de deux femmes, et égaré par les récits inquiétants d'un enfant. Et Garrel cinéaste offre un rôle splendide à Laetitia Casta, dont celle-ci s'empare avec une vérité remarquable. Rien à ajouter, ni à retrancher. De la belle ouvrage.


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À l’origine : "Maya"