Les mouches du Roche

Exilé de son Val-de-Marne natal, le Villejuif Underground de Nathan Roche revient (enfin) présenter son deuxième album à venir : "When will the flies in Deauville drop ?". Le retour en grande pompe d'un groupe toujours délicieusement à côté de ses pompes.


« Quand les mouches tomberont-elles à Deauville ? ». Il y aurait presque dans le titre du deuxième album du Villejuif Underground, ici traduit en français, un côté Les oiseaux se cachent pour mourir. Une sorte d'inquiétude existentielle. Sauf qu'ici les aventures du père Ralph de Bricassart, prêtre expatrié en Australie tiraillé entre sa foi et l'amour terrestre, seraient incarnées par un expatrié dans l'autre sens : un Australien échoué dans le Vieux monde – et même carrément dans le Val-de-Marne, cet eldorado qui s'ignore mais que l'intéressé et sa bande de pieds nickelés ont désormais quitté.

Une sorte de double inversé qui ne se poserait pas tant de questions, évacuant les dilemmes d'un revers de main mou. Entre la foi (ici une forme d'authenticité trop involontaire pour tenir de la pose) et les tentations plus triviales (le succès, la réussite, la promotion, ce genre de conneries), il ne fait aucun doute que le dénommé Nathan Roche a choisi la foi depuis longtemps. Et s'avance dans le paysage musical tel un franciscain dépenaillé mais pas dénué de ressources tant esthétiques que spirituelles, qu'il saupoudre à grands coups de hasards et de bénédictions du destin.

Tongue in cheek

Ce que confirme When will the flies in Deauville drop ?, ce deuxième album du Villejuif Underground, le premier à paraître en la chapelle Born Bad Records après le EP Heavy Black Matter, c'est en effet cette forme unique de rigueur dans la désinvolture combinée à une extrême souplesse d'exécution : on est ici quelque part entre Daniel Johnston, Beck, Pavement et Fat White Family et bien sûr au pied de la statue du Commandeur Lou Reed sur laquelle on n'hésite pas à se soulager à l'occasion (parce qu'on n'est pas sérieux).

De même, il est, en vrac et la langue fermement nichée dans la joue, question de backpackers australiens, de tournée en Chine, de démocratie représentative (leur fameux Can you vote for me, single gouleyant dont le clip détournait le spot de campagne de Marine Le Pen), de châteaux hantées et même du Bataclan sur un titre qui énonce, dégoulinant de coolitude grave : « This is not a song for the Bataclan but I cannnnn't stand a man with blood on his hands ». Manière de traiter un sujet sans le traiter, ce qui est une sorte de mantra pour le Villejuif : faire les choses sans en avoir l'air et, si possible, sans s'en rendre compte. Comme on dit : après eux les mouches. À Deauville ou ailleurs.

Le Villejuif Underground
Au Ninkasi Kafé le mardi 22 janvier


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Décret son : The sound of silence ?