Son nom était Leone

Le monde se divise en deux catégories : ceux qui revoient avec délices les fresques opératiques de Sergio Leone, et ceux qui ne les ont encore jamais vues. Le festival de l'Institut Lumière vise à rendre la seconde… creuse.


On aurait aimé célébrer en 2019 ses 90 ans ; hélas, on commémore également le trentenaire de sa disparition. Deux anniversaires pour un Romain d'envergure, qui de sa Botte transalpine et des sierras hispaniques, a prouvé aux Américains qu'ils n'avaient aucune exclusive sur un genre cinématographique dont ils avaient fait le vecteur de leur récit national. Et que loin d'être figé dans sa forme, celui-ci était de surcroît perfectible. Sergio Leone ne s'est pas contenté d'accomplir ces deux miracles : il est même parvenu à ce que la locution dépréciative “western spaghetti“ frappant ses films perde toute connotation péjorative (et vaguement raciste) pour être désormais considérée comme un “genre dans le genre“.

Certes, le temps s'y allonge et s'y amollit parfois comme les fameuses pâtes. Mais ses protagonistes, tout en sueur, poussière et violence abrupte, ont plus à voir avec le réalisme que leurs homologues hollywoodiens gominés, rasés de frais chevauchant des montures à la mise en pli parfaite (on parle des canassons, bien sûr). Chez Leone, l'excès et dilatation créent paradoxalement une tension supplémentaire du récit, ils constituent un langage venant suppléer l'économie verbale des personnages, en osmose parfaite avec le discours musical composé par Morricone à partir de la Trilogie du dollar (Pour une poignée de dollar, Et pour quelques dollars de plus ; Le bon, la brute et le truand)

Sept plus un

Articulé autour de la présence de Christopher Frayling, auteur de la monographie Sergio Leone, Quelque chose à voir avec la mort, le festival présente les sept films réalisés en solo par le cinéaste, de son péplum Le Colosse de Rhodes (1960) à son épopée Il était une fois en Amérique (1984) — dans leurs versions longues, cela va sans dire, et restaurées — auquel s'ajoute Mon nom est personne (1973) de Tonino Valerii, fausse comédie parodique mais authentique transmission de témoin métaphorique du registre baroque au registre décadent, écrite et produite par Leone, qui d'ailleurs n'était jamais loin du plateau lors du tournage. En sus des projections, Frayling tiendra une conférence tandis que les cimaises du hangar présenteront une sélection de photographies de Leone et de ses films : l'immersion devrait être totale.

Profitons enfin de cet éclairage sur le regretté maître pour signaler la récente publication d'un futur ouvrage de référence, consacré à l'alter ego musical de Leone, Ennio Morricone, l'une des plus grandes présences invisibles du cinéma contemporain. Titré Ennio Morricone, Ma musique, ma vie, cet édifiant livre d'entretiens entre le maestro et Alessandro De Rosa aurait d'ailleurs mérité de figurer en bonne place dans ce week-end. Peut-être avait-il le (seul) défaut d'être édité chez  Séguier, et non dans la collection Institut Lumière / Actes Sud ? Le monde se divise toujours en deux catégories…

Festival Sergio Leone
À l'Institut Lumière ​du mercredi 30 janvier au samedi 2 février


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Les cercles délicats de Léon Tutundjian