Bonté pas si divine

Avec Une étoile pour Noël, l'auteur, metteur en scène et comédien Nasser Djemaï livre un seul-en-scène survolté et drôle au sous-texte percutant. Ou comment un gamin prénommé Nabil va accepter de s'appeler Noël pour se conformer aux désirs de certains adultes – et, plus largement, d'une partie de la société. Une recréation (le spectacle a vu le jour dix ans plus tôt) plus que bienvenue.


Une étoile pour Noël ou l'ignominie de la bonté : voilà qui est on ne peut plus clair. Nasser Djemaï ne masque pas le propos qui l'anime en l'affichant clairement dans le titre de son spectacle. C'est en partie son histoire : celle d'un gamin que la grand-mère d'un de ses camarades de classe a décidé de prendre sous son aile pour l'élever, « pour en faire une personne modèleC'est vraiment comment faire en sorte, avec la plus grande bonté et le plus grand amour sincère, que ce petit soit à l'abri de tout. C'est toute l'ambigüité de la bienveillance : comment on projette des choses par rapport à soi. »

Une étoile pour Noël, c'est surtout l'histoire de Nabil, gamin sans histoire mais aux hautes ambitions qui croisera sur son chemin divers visages d'une société peu reluisante malgré les sourires et les bons sentiments de ceux-là même qui « pensent avoir la vérité ».

Énormément romancé

Nabil, c'est joli comme prénom mais bon, comment réussir dans la vie avec ce handicap ? Alors que Noël, c'est tellement plus acceptable. Et ces cheveux, non, vraiment, ce n'est pas possible… « Le point de départ est autobiographique, mais c'est finalement énormément romancé. Certes, le prénom c'est vrai, les mèches blondes c'est vrai… Mais il a fallu se méfier du côté témoignage dont tout le monde se fout ! Je voulais vraiment trouver la fable intemporelle qui puisse vieillir dans le temps. Du coup, un jour, j'ai imaginé : on prend un petit Nabil, un petit Malik, un petit Kader et on fait tout pour lui enseigner les valeurs qui feront de lui un citoyen modèle, jusqu'à qu'il renie même sa religion. Qu'est-ce qui se passe ? J'ai imaginé que ce petit garçon veuille devenir président de la République. Et, dans cette équation-là, il y a une impasse qui était intéressante. »

Nasser Djemaï a visiblement pris beaucoup de plaisir à croquer les différentes personnalités du spectacle, dont en premier lieu la grand-mère pleine de bonté. Une grand-mère qui, malgré des actes ahurissants, n'est pas violement condamnée dans le texte. Car, chez Nasser Djemaï, il n'y a pas de position moralisatrice hautaine qui dénoncerait frontalement une situation, sans aucune subtilité. « Parce que c'est trop facile de dire que les méchants sont d'un côté et les gentils de l'autre. C'est trop facile de faire de la grand-mère une sorcière et de Nabil une petite victime. On est tous pétris de contradictions. Par exemple, moi, il y a des choses dans mes origines sociales, ethniques et religieuses qui m'insupportent complètement, qui ne demandent qu'à être interrogées. » La figure du père est d'ailleurs elle aussi pétrie de contradictions. « Il pousse son fils à ne pas devenir comme lui. Il lui transmet son complexe, en partant du principe qu'il ne peut rien lui donner. À travers lui, on reconnaît tout le travail d'infériorisation des colonies. »

Une étoile pour Noël ou l'ignominie de la bonté
Au Théâtre de Villefranche le jeudi 7 et vendredi 8 février à 20h30


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