Ier Acte : « Les plateaux de théâtre ne sont pas en phase avec la démographie française »

« Programme d'ateliers gratuits, pratiques et théoriques pour un groupe de jeunes acteur·trice·s afin de promouvoir une plus grande diversité sur les plateaux de théâtre », le dispositif national Ier Acte fera escale au Pacifique de Grenoble vendredi 8 février le temps d'une soirée ouverte à tous. On en parle avec le co-directeur du Centre chorégraphique national de Grenoble Rachid Ouramdane, partie prenante de cette « initiative positive ». 


Comment présenteriez-vous Ier Acte ?

Rachid Ouramdane : C'est un programme de formation qui s'adresse à des jeunes comédiens issus de la diversité culturelle française et qui sont victimes de discrimination. C'est une longue phrase, mais elle est importante ! Cette formation a été impulsée en 2014 par Stanislas Nordey, directeur du Théâtre national de Strasbourg, qui est parti du constat qu'à l'intérieur du théâtre français, les plateaux sont plutôt blancs et donc pas en phase avec la démographie française. Devant ce constat, soit on se mobilise, se responsabilise, soit on ne fait rien.

Comment faire changer les choses ?

Il faut essayer de repérer les rouages qui mènent à ça. Ier Acte prend ainsi la question sous l'angle de la formation et des jeunes. Par exemple, quand on demande aux élèves des écoles de théâtre avec qui ils imaginent faire leur prochain projet, assez souvent ils répondent : avec mes potes de promo, ceux que je connais. C'est normal. Or, si dans ces promos d'étudiants, dans ces moments qui font communauté, on n'a pas mis en place une forme de diversité, on reproduit du même.

Ier Acte​ n'est donc pas une école en plus, mais une sorte de prépa pour donner les clés des grandes écoles à toutes et tous ?

C'est ça. C'est une promo itinérante qui voyage de structure en structure – aujourd'hui, il y a le Théâtre national de Strasbourg, le Théâtre national de l'Odéon à Paris, le Festival d'Avignon, nous autres au Centre chorégraphique national de Grenoble et le Théâtre national de Bretagne. C'est une sorte de masterclass sur quelques jours pour que des personnes à qui l'on ferme habituellement les portes acquièrent les outils pour pouvoir entrer dans des grandes écoles.

Avec l'idée d'avoir également des profils qui ne vont pas d'eux-mêmes vers les écoles de théâtre ?

Oui, car il y a aussi beaucoup d'auto-exclusion. D'où le fait que le dispositif se passe dans plusieurs villes de France et pas seulement à Paris. On essaie par exemple de rencontrer des gens qui sont dans une forme de pratique théâtrale mais qui ne vont pas forcément d'eux-mêmes vers le théâtre contemporain. Ou qui en ont marre d'entendre des phrases comme : "ah bah toi, avec ton faciès, je te ferais bien jouer le dealer".

J'espère que dans quelques années on en rigolera, on se dira : "tu te rappelles quand il fallait absolument faire des promotions de gens qui avaient été victimes de discrimination pour enfin faire changer les choses ?". Comme on a vu un peu plus de parité apparaître quand on a mis en place des quotas. D'ailleurs, aujourd'hui, même si ça a été dur au début, l'initiative Ier Acte est plutôt saluée. Surtout que ce sont les talents qui s'expriment, donc tout le monde est un peu en train de réaliser qu'il y avait des ratés !

À quoi assistera le public qui viendra à la soirée du 8 février ?

On ne sait pas trop ! Enfin, si, on sait qu'on projettera le film d'Alice Diop La Mort de Danton qui relate le parcours d'un homme de couleur qui a pour rêve de jouer Danton mais qui se retrouve dans un milieu théâtral mal à l'aise avec le fait qu'homme de couleur veuille jouer une figure historique française. Et on sait qu'on discutera avec les étudiants et le public du dispositif Ier Acte. Et il y aura aussi une performance, qu'on est en train de construire.

Soirée Ier Acte
Au Pacifique vendredi 8 février à 18h30


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