La Chute de l'Empire américain

De Denys Arcand (Qué, 2h09) avec Alexandre Landry, Maripier Morin, Rémy Girard…


Docteur en philosophie, Pierre-Paul est accablé par la conscience de son savoir comme par l'état du monde. Bénévole auprès de nécessiteux, il livre des colis pour subsister. Son existence va changer quand, témoin d'un hold-up, il récupère une énorme somme appartenant à un gang…

Annoncé comme un troisième opus complétant Le Déclin de l'Empire américain et Les Invasions barbares, ce film boucle une manière de trilogie où la continuité s'effectuerait non dans la poursuite des aventures des personnages des épisodes précédents, mais à travers une analyse de l'air du temps. Comme si Arcand carottait tous les quinze ans l'atmosphère québécoise et l'interprétait en une pièce cinématographique. Seule constante : des héros déboussolés, déphasés par rapport au cours de l'époque. 

Cette Chute… pourrait bien être l'apogée de la trilogie. Car elle combine une intrigue de polar solidement ficelée à des paradoxes d'éthique à tiroirs (un bien illégal mal acquis peut-il profiter si les intentions sont louables ? Des voleurs de voleurs méritent-ils échapper à la police ? La prostitution peut-elle permettre à une femme d'acquérir sa liberté ?) tout en rendant compte d'une réalité canadienne misérable : les rues dégueulent d'Amérindiens clochardisés et les citoyens aisés rivalisent de combines cyniques pour optimiser fiscalement.

Si jadis Arcand pouvait nous montrer une classe moyenne (à peine supérieure), elle s'est ici volatilisée : seuls demeurent les extrêmes. Même les intellectuels sont voués à disparaître : ils sont voués au tapin ou à devenir des messagers non plus d'idées, mais de colis express. Alors, dans ce monde funeste, toute proposition d'utopie a quelque chose de rassurant…


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