Les Étendues imaginaires

De Siew Hua Yeo (Sing-Fr-P-B, 1h35) avec Xiaoyi Liu, Peter Yu, Jack Tan…


Singapour. Sur l'un des innombrables chantiers participant à l'extension territoriale de la cité-État, Lok, un policier, enquête sur la disparition de Wang, l'ouvrier chargé de convoyer la main-d'œuvre. Insomniaque comme Wang, Lok aboutit vite dans un cybercafé où le disparu avait ses habitudes…

À la lisière du fantastique, de l'urbanisme métaphysique et de le la cyber-enquête politique, ce film policier renverse le paradigme veille/songe, faisant fi de linéarité ou du cartésianisme — impedimenta sans doute trop peu lynchéen pour s'aventurer dans de telles contrées. Étrangement liés par une sorte de communication télépathique, les deux héros insomniaques de Siew Hua Yeo semblent prisonniers d'un monde onirique baigné de néons et de lumières au sodium ; ils sont en fait les seuls à demeurer lucides et décillés devant le fantasme collectif ayant contaminé Singapour.

Refusant de s'abandonner aux chimères que la réalité alimente, Wang et Lok risquent de connaître le funeste destin des prophètes de mauvais augure : cette terre anthropophage digère avec la même voracité indifférente le sable malais, indonésien, les travailleurs immigrés ou les voix dissonantes, puisque tout est soluble dans cette aberration géographique. Un conte métaphorique habile, Léopard d'Or à Locarno.


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