Mémoire vide

Quand la maladie d'Alzheimer gagne du terrain, c'est l'entourage qui s'en trouve remué comme le montre le très bon comédien Philippe Awat dans un spectacle personnel convenu.


Ça commence comme une confidence. Assis en bord de scène, l'acteur Philippe Awat dit avoir fait un rêve cette nuit et va le partager avec nous. Ce vrai/faux privilège suivi d'adresses encore plus frontales au public n'est qu'un subterfuge pas forcément utile pour aller au cœur de son exercice : parler à sa mère et témoigner de la maladie qui fait flancher la mémoire et provoque autant la peine que l'effarement ou le rire chez ses proches. Le comédien s'est basé sur le texte fragmentaire d'Erwin Mortier, Psaumes balbutiés, en ajoutant des extraits de musique et même sa voix. Et ses mots, qui donnent le titre du spectacle : « ma mère m'a fait les poussières » dit-elle lorsqu'elle prend son fils pour un meuble et passe le chiffon sur sa chemise.

À livre fermé

Toutes les étapes de ce glissement vers l'oubli défilent sous nos yeux : la logorrhée presque mécanique d'une travailleuse en centre d'accueil dédié, les questionnements de la famille pour se souvenir quand et par quoi le déclin a commencé, la litanie des conséquences de cette désinhibition (ne plus avoir conscience du danger), le déni de l'époux, le départ en structure spécialisée, etc.

Accompagné d'une comédienne qui endosse de nombreux rôles, Philippe Awat prend toute la lumière et joue parfaitement avec tous ces états émotifs successifs mais l'écriture, sans surprise, handicape ce spectacle qui, s'il est inattaquable sur son sujet et la sincérité de ceux qui le portent, manque un peu de souffle. Peut-être parce que le comédien est trop près de son sujet.

Il reviendra avec Heroe(s) la saison prochaine, également à la Comédie Odéon : une création sur la « déglingue du monde » d'après l'émission Cash Investigation consacrée aux Panama Papers, passé l'été dernier par le Off d'Avignon, à la très qualitative Manufacture. À suivre !

Ma mère m'a fait les poussières
À la Comédie Odéon jusqu'au 23 mars à 19h


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