Pierre-Yves Lenoir : « nous sommes un théâtre du monde »

Il a travaillé au Rond-Point, au Théâtre National de l'Odéon et tout récemment au lancement de La Scala : Pierre-Yves Lenoir est depuis le 1er mars co-directeur des Célestins, aux côtés de Claudia Stavisky. Retour sur son parcours et son projet pour la scène théâtrale majeure de l'agglomération.


Est-ce qu'en faisant l'école de commerce, l'EDHEC, vous saviez que vous travailleriez dans le milieu du théâtre ?
Pierre-Yves Lenoir : Non. C'est vraiment au cours des stages dans cette école que j'ai commencé à me poser des questions sur mon adéquation avec les métiers classiques de la banque. Celui qui m'a vraiment ouvert les portes du théâtre est Daniel Benoin, qui dirigeait la Comédie de Saint-Étienne à l'époque. Ensuite, j'ai rencontré Daniel Mesguich qui dirigeait ce qui est maintenant le Théâtre du Nord, à Lille. J'ai fait un autre stage et je n'ai pas quitté ce milieu-là. Puis je suis parti à La Colline pendant cinq ans, ensuite le Rond-point huit ans, l'Odéon neuf ans et La Scala l'année dernière. Pendant longtemps ma fonction a été administrateur, en lien direct avec mes études. Mais je ne peux penser l'administration d'un théâtre en dissociation avec ce qui fait le cœur de notre activité, à savoir la programmation et les spectacles. Je me pense plutôt comme un compagnon des artistes.

Mon métier est de rendre possible.

Vous avez avez beaucoup travaillé avec Thomas Jolly ces dernières années...
Oui. Ce qui m'intéresse est de travailler avec les plus jeunes. Quand il est venu faire Henri VI à l'Odéon, on s'est tout de suite parlé des projets futurs et on se voit régulièrement. J'aimerai qu'il revienne. Jean Bellorini aussi. J'ai vu Tempête sous un crâne en salle de répétitions d'Ariane Mnouchkine : c'est là où s'est décidé de co-produire à l'Odéon son spectacle suivant,  La Bonne-Âme de Sé-Tchouan. Faire un premier spectacle, tout le monde sait faire dans une petite salle sans moyen. Après, c'est plus compliqué de construire un parcours et c'est bien de discuter avec les artistes en dehors de toute urgence de programmation, pour les accompagner sur la production. Je parle beaucoup avec Pauline Bayle (qui crée ces jours-ci Chanson douce adapté de Leïla Slimani au Vieux-Colombier). J'aimerai beaucoup que sa prochaine création se fasse ici.

Une première édition du prix Célest'1*, initié par votre prédécesseur, Marc Lesage, aura lieu en juin.
Je trouve cette initiative formidable. C'est quelque chose que nous avions initié avec Olivier Py à l'Odéon avec Impatience. Il serait bien qu'autour de ce projet on fédère d'autres acteurs de la vie lyonnaise, pour qu'il y ait un grand moment au cours de la saison consacré à l'émergence et aux compagnies régionales. C'est très bien qu'on le porte seul et on peut continuer à la faire, mais on peut aussi l'ouvrir.

La Célestine est fermée depuis janvier 2018. Quand va-t-elle rouvrir ?
Les travaux vont attaquer fin mars et normalement on la récupère en janvier 2020. Deux spectacles prévus à l'automne seront joués hors les murs, dans des lieux pas connus encore (l'ENSATT,  l'ENS ou les Ateliers, c'est en discussion). La Célestine est un outil super pour y présenter de jeunes travaux, mais c'est vrai aussi qu'un théâtre à l'italienne, s'il est complété par une autre scène, autorisant des dispositifs plus modulables, permettrait de présenter d'autres esthétiques comme le bi-frontal par exemple que l'on fait pour l'instant en partenariat avec le Radiant. C'est un peu le même discours qu'avait tenu Lavaudant en arrivant à l'Odéon. C'est bien qu'à côté de ces salles historiques, il puisse y avoir un autre espace de création. C'est comme ça qu'a été créé Berthier. Je n'ai pas de lieu sur lequel jeter notre dévolu : ça peut être un lieu à construire. Il faut en parler avec la Ville.

Concernant la programmation, quels vont être vos axes ?
Il y aura toujours une double programmation tout public et jeune public à la période de Noël, et nous allons continuer à accorder beaucoup d'importance aux spectacles internationaux. J'aime Milo Rau : selon tout vraisemblance, il devrait être présent dès la saison prochaine. C'est aussi la mission d'un théâtre de ville de faire la grand écart entre le local et le lointain. Nous sommes un théâtre du monde.

Y aura-t-il des artistes associés ?
Oui, Thierry Jolivet. Il va adapter le roman de Pierre Michon,  Vie de Joseph Roulin, non pas sur le grand plateau mais dans un lieu qui nous reste à trouver pour fin 2019.

* Concours ouvert en priorité aux compagnies théâtrales de la région Auvergne-Rhône-Alpes avec prix des professionnels et du public


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