Sur les rails


Le Guardian, qui a vu passer du gibier, dit de lui qu'il est le plus grand songwriter de son temps, ce qui vous pose son bonhomme. En tout cas, un songwriter pas comme les autres qui consacre une grande partie de son travail à rendre compte en musique et souvent en chanson, du monde qui l'entoure à la manière combinée d'un journaliste – c'est lui qui le dit – et d'un entomologiste.

Après son album tiré d'annonces Craigslist, un autre consacré aux histoires hantant la ville de Los Angeles, une pièce orchestrale sur le thème des sans-abris et avant une série de chansons entamée récemment composées à partir de... tweets, Gabriel Kahane a vu les choses en grand avec Book of Travelers. Au lendemain de l'élection de Donald Trump, le New-Yorkais, fleuron de la génération dorée de 1981 (Chris Thile, Bon Iver, Nico Muhly...), a sauté dans un train pour un voyage de 15 000 km à travers les États-Unis, à la rencontre des électeurs de Trump. Pour comprendre, pour dialoguer, pour décrocher aussi des discours tout fait et des admonestations proliférant sur les réseaux sociaux.

De ces rencontres à hauteur d'homme et de femme dans des wagons-restaurants, Kahane a tiré un album sombre et mélancolique, aussi lyrique que minimaliste (ses talents d'arrangeur et d'harmoniste prouvent que Dieu aussi est dans les détails), celui du récit de son voyage où s'enchâssent les destins de certaines des personnes rencontrées. Un album sur l'Amérique, la famille, l'Amérique comme une famille en somme. Désunie souvent, mais que la mystique du voyage, du pèlerinage rapproche viscéralement.

Book of Travelers (Nonesuch Records / WEA)


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Gabriel Kahane : « la plupart des électeurs de Trump n'ont rien à voir avec ce que j'imaginais »