Le couple PY, ça déménage.

Yuko Matsumoto et Pierre Mercier se sont envolés des hauteurs croix-roussiennes pour se poser dans un nid plus grand et moins douillet, au coeur du 6e.


"Nous sommes un des dernier bastions de la civilisation. Un jour, devant la porte de toute boulangerie qui pourra montrer un mitron enfariné en train de coucher des pâtons de croissants sur une plaque, il y a aura la queue. Il y a aura la queue devant chez tous les artisans de la bouffe. » La citation date de 1977. C'est Fanny Deschamps qui écrit, plaçant ces paroles visionnaires dans la bouche de son neveu, le chef Alain Chapel, dont le restaurant triple étoilé, fut l'un des creusets de la Nouvelle Cuisine. Bien que décédé précocement, en 1990, il reste l'un des chefs les plus influents pour la cuisine contemporaine. L'un de ses élèves les plus célèbres étant un autre Alain : Ducasse.

Pierre Mercier ne connut pas Chapel,  il embaucha pour la première fois à Mionnay dans les années 2000. Il resta dans l'Ain 7 ans, jusqu'à devenir second de cuisine. L'établissement arborait encore deux macarons, grâce au chef Philippe Jousse et à Suzanne Chapel. Cette dernière prenait sous son aile, à la même époque, Yuko Matsumoto, une jeune cuisinière japonaise, formée au Plaza (chez Ducasse) et qu'elle transforma en Maître d'Hôtel. A Mionnay, Yuko rencontra Pierre. Il y a 7 ans, ils fondaient les Saveurs de PY, sur le plateau de la Croix Rousse. A cause du succès, ils voulaient des vacances et un plus grand établissement. Ils ont mis les voiles vers le 6eme, direction cours Vitton, à deux pas du métro Masséna. Ils y ont ramené le vert avocat de leurs murs croix-roussiens, pour en revêtir l'intérieur de l'ancien Trocadero, une valeur sûre du quartier connue pour son homard flambé au cognac ou son soufflé au grand marnier. Pas besoin d'être diplômé en sociologie lyonnaise, pour deviner que, malgré la rénovation et le dénappage des tables, l'ambiance y reste plus sage que là-haut sur la colline.

Côté cuisine, Pierre maîtrise le répertoire classique sur le bout des doigts, qu'il secoue avec de légères influences asiatiques. "Je n'ai pas envie de tomber pour autant dans la cuisine fusion" s'excuse-t-il presque. "Mais je vais souvent en Asie. Et puis les jumelages avec les cuisines exotiques c'est quelque chose qu'on retrouvait déjà chez Chapel, lui-même influencé par le Japon, et qui faisait déjà une sole à la mangue dans les années 80."

Cela donne au déjeuner une très bonne affaire. Pour 23€, par exemple : un flan au fromage blanc et curry, radis verts mandolinés et graines germées, suivi d'un superbe dos de cabillaud allongé sur une tranche de patate douce rôtie, mélange de céréales et beurre monté aux herbes, avant un dessert haute-couture, jolie sphère de chocolat fourrée au praliné de noix de cajou et glace tonka. Le soir, au menu dégustation (55€), Pierre détourne notamment un classique régional : le gâteau de foie blond de volaille de Bresse, crème aux écrevisses. Plat épique, que l'on doit à Lucien Tendret, neveu de Brillat-Savarin, et qui fut remis au goût du jour par... Alain Chapel. Pierre Mercier, lui, met tout sens dessus dessous, remplaçant la mer par la terre, la poularde par de la lotte, les crustacés par des crêtes de coq. Côté vins, on accompagne tout cela d'un verre d'un excellent Pothier de la sous-côté Côte Roannaise (5€) ou une bouteille d'un mythique Faugères de Barral (37€). 



Restaurant PY
16 cours Vitton, Lyon 6e
Du mardi au samedi, de 12h30 à 13h45 et de 19h45 à 21h45


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