« On fait ce qu'on aime, ça n'a pas de prix »

Invités d'honneur d'un festival qui ne leur a jamais fait défaut — à raison : ils sont sans doute avec Mandico les plus fervents pratiquants d'un “autre“ cinéma — le duo Hélène Cattet & Bruno Forzani a composé une Carte Blanche à son image. Bref échange en guise de mise en bouche.


Le fait d'œuvrer dans un collectif — à partir de deux, vous constituez déjà un collectif, non ? — exacerbe-t-il vos penchants respectifs pour les formes et formats “hallucinatoires“ ? 
Hélène Cattet & Bruno Forzani
: D'une certaine manière, oui, car dans la dynamique d'écriture en duo, on essaie tout temps de déstabiliser l'autre et de le faire halluciner avec des séquences auxquelles il ne s'attend pas.

Irréductible à un genre, votre cinéma revendique au contraire l'hybridation et le mélange, voire cette “impureté“ que Epstein attribuerait au diable. Le territoire que vous dessinez film après film appartient-il à un Enfer perdu ?
À un enfer qu'on essaie de trouver, plutôt. Il n'est pas vraiment perdu car il n'existe pas, il faut à chaque fois le créer de toutes pièces.

L'hermétisme/conformisme français vis-à-vis du genre ne surmarginalise-t-il pas votre travail ? Est-ce vivable d'un point de vue artistique et économique ?
C'est difficilement vivable, mais on fait ce qu'on aime, donc ça n'a pas de prix, on ne va pas se plaindre ! Notre dernier film, Laissez bronzer les cadavres a eu un retentissement plus grand que nos films précédents dans tous les territoires où il est sorti que ce soit en salles, streaming ou DVD... ainsi que lors de ses diffusions sur Canal +. Le seul point négatif est la sortie salles en France, mais on pense que c'est plus lié à un problème de distribution.

Votre Carte Blanche pour Hallucinations collectives programme notamment Noé et Hadzihalilovic. Au moment où Irréversible (2002) va ressortir en version restaurée, quel regard portez-vous sur ce tandem singulier ? En quoi vous ont-ils montré — vous montrent-ils encore — une voie alternative ?
Ils nous ont montré une voie alternative par le processus d'autoproduction qui nous a poussés à nous lancer ; par le fait de proposer deux points de vue singuliers sur un même univers dans Carne et La Bouche de Jean-Pierre ; par leur travail de cadre radical et impeccable ; et enfin par leur manière transversale d'aborder le genre.

Quelles autres œuvres auriez-vous présentées si la Carte Blanche vous avait autorisé à cinq titres au lieu de trois ?
Sweet Sweetback's Baadasssss Song de Melvin Van Peebles... Mais il était déjà programmé dans le cadre de cette édition. Femina Ridens de Piero Schivazappa pour donner un contrepoint au brutal et testostéroné Quelli che contano... Mais il était déjà passé au festival il y a quelques années !

En espérant être indiscret, à quoi vous êtes-vous attelés en ce moment ?
On travaille sur notre premier long-métrage d'animation et sur la troisième partie d'Amer et L'Étrange couleur des larmes de ton corps.


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