Dentiste apprécié, mari et papa aimant, Roman cache sa cocaïnomanie. L'une de ses fillettes étant victime d'une surdose, la police et les services sociaux débarquent : la famille entière se révélant positive à la drogue, les enfants sont placés. Et l'image du bonheur parfait se pulvérise…
Audrey Diwan a tiré son argument d'une histoire vraie en modifiant, comme le veut la coutume, les noms et situations des protagonistes afin qu'ils ne soient pas identifiables. De ce fait divers à énigme qui aurait pu ne tenir qu'un court-métrage — en clair, comment ont-ils tous pu être contaminés par le père ; ce dernier les a-t-il délibérément empoisonnés ? —, la cinéaste a su étoffer son propos en composant un film où l'addiction prend des significations supplémentaires et se transforme en bombe à fragmentation.
S'ouvrant sur la dépendance aux stupéfiants, le drame bifurque en effet vers un récit centré autour du manque : celui éprouvé par des parents privés de leur progéniture, et surtout celui que les deux amants Roman et Camille officiellement séparés ressentent l'un pour l'autre et qu'ils vont s'employer à compenser en douce dans des chambres d'hôtels borgnes, tels deux camés cherchant honteusement leur dose — un besoin physique plus admissible que la dope, mais tout aussi proscrit par le regard moralisateur des proches.
Cette question du regard donne par ailleurs l'occasion à la cinéaste d'effectuer un très intéressant travail sur la manière dont on considère l'autre “après“ que la confiance a été entamée : un plan en apparence anodin peut revêtir un double-sens épouvantablement glaçant. Pour le personnage de Camille, passer de l'aveuglement à la surinterprétation de chaque geste de Roman équivaut bien à basculer dans une forme de folie.