Petra

De Jaime Rosales (Es-Fr-Dan, 1h47) avec Bárbara Lennie, Alex Brendemühl, Joan Botey…


Jeune artiste peintre, Petra vient effectuer une résidence auprès de Jaume, un plasticien réputé au caractère entier, dominateur et volontiers arrogant. Si elle se lie d'amitié avec le fils de celui-ci, Lucas, elle empêche que les choses aillent plus loin. Car Petra cache un secret…

Depuis La Soledad (2008) et Un tir dans la tête (2009), c'est toujours un plaisir de retrouver Jaime Rosales : il fait partie de ces auteurs qui n'usent pas en vain de leur art, et dont chaque film procure ce double plaisir de la découverte : quelle est l'histoire ; comment Rosales choisit de la raconter. En bon théoricien, la forme interroge toujours le fond et lui répond. Ici, le récit est chapitré à la manière d'un roman, mais son ordre chronologique est contrarié. Une perturbation qui permet d'occulter des franges du passé, de présenter des conséquences avant certaines causes, d'induire également dans l'esprit du spectateur des hypothèses quant à la raison de ces ellipses. 

Cette construction n'est pas non plus sans évoquer le processus artistique, fait d'allers-retours, de repentirs — on assiste d'ailleurs aux essais, corrections, hésitations de Petra comme à ceux de Jaume. Rosales filme le work in progress, et donne par la bouche de l'immonde Jaume une profession de foi de l'artiste épouvantable — une sorte de Cronos dévorant tout avec une délectation profonde afin d'assouvir l'égoïsme de sa création, détruisant sans cesse Carthage pour pouvoir tout reconstruire. Furieusement dramatique, beau jusque dans l'abjection du patriarche, interprété par une distribution de rêve, Petra cultive même une ironie dans son twist final qui réveillera quelques souvenirs dans la mémoire des amateurs de calypso. Du grand art.


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Des étoiles dans les yeux : "Les Météorites"