Hand Habits défait le vide

Accompagnatrice régulière de Kevin Morby, Meg Duffy est aussi à la tête de Hand Habits, avec lequel elle vient de livrer un deuxième album, placeholder, en forme de douce conjuration de l'amour perdu.


La rupture amoureuse est, avec ce qui la précède, sans doute la matrice principale de l'écriture de chanson et de l'expression musicale pop. On enfonce une porte ouverte mais la réalité est là : le « Ne me quitte pas » et le « Pourquoi m'as tu abandonné » se déclinent à l'infini depuis l'invention du genre et même bien avant. Mais l'utilisation de cette même rupture comme élément de reconstruction de l'âme blessée, de rafistolage du cœur pourfendu est un art en soi. Que l'on appellera résilience ou sublimation. C'est ce qu'avait réussi par exemple Bob Dylan avec son Blood on the Tracks, sans doute le plus grand album de rupture de tous les temps qui, quelque part, initia un genre et une manière.

C'est comme cela aussi que l'ami Justin Vernon aka Bon Iver sortit la tête de l'eau, de l'ombre et du brouillard avec Emma Forever Ago. Or c'est justement chez lui, dans les tréfonds du Wisconsin que Meg Duffy est allée enregistrer le deuxième album de son projet Hand Habits. Celle que les spécialistes de l'indie connaissaient jusque là comme "la guitariste de Kevin Morby", petit prince de l'indépendance, a semble-t-il trouvé à Eau Claire l'atmosphère idéale pour faire surgir celle de placeholder.

Laisser aller

Où l'on assiste comme en direct à la conjuration de toutes les avanies amoureuses possibles, à commencer par la sensation de vide qui grignote à mesure que l'amour se désagrège ou s'éloigne.

Un vide qu'il faut bien remplir, d'où sans doute le choix du titre d'un album qui n'est là que pour cela : combler par couches successives – comme ces prises de voix doublées voire triplées, qui font chanter Meg Duffy comme une légion de cœurs brisés –, en préférant la catharsis à la déploration, en substituant à l'angoisse et à la détresse, la paisibilité des mélodies et des atmosphères. Dans une dialectique consistant à élargir les fêlures pour ne laisser entrer que la lumière, à transformer les inclinations naturelles à la mélancolie en réconfort, à rebâtir sur la terre qui brûle encore, mais quand même à calquer l'évanescence de la musique sur celle de relations devenues impalpables.

C'est en soi un tour de force sans pour autant jamais en avoir l'air. Celui de laisser aller sans se laisser aller, de transformer un disque où la rupture est omniprésente en œuvre de réconciliation avec soi-même, dont les propriétés alchimistes transforment l'amertume en douceur.

Hand Habits + La Nébuleuse de la Flamme
Au Sonic le jeudi 16 mai


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