Pages vierges à l'enfant

La revue de sciences humaines Illusio consacre son dernier numéro à l'enfance. Un beau sujet présenté au Bal des Ardents cette semaine.


Au début des années 2000, à la Faculté de sociologie de Caen, un enseignant et quelques étudiants se lancent dans l'aventure d'une revue pluridisciplinaire nommée Illusio. « L'Illusio n'est pas seulement une duperie, c'est, dialectiquement, l'irréalité dans la réalité, le méconnu, le délaissé, le non-vu... » écrivent-ils dans l'introduction au premier numéro consacré à "Jeux olympiques, jeux politiques". Proches de la Théorie critique (lancée dans les années 1930 par Adorno, Horkheimer et d'autres), le collectif se veut à la fois intellectuel et militant, théorique et émancipateur. « Intellectuel collectif », Illusio puise aussi bien dans l'anthropologie, la psychanalyse, la sociologie, que la philosophie, et secoue les idées depuis déjà dix-huit numéros, consacrés aux mafias, à la libido, aux crises contemporaines... Le collectif collabore aussi depuis peu avec des artistes et des illustrateurs pour l'aspect visuel de ses copieux numéros.

Entre émancipation et aliénation

Le dernier opus d'Illusio, "De l'enfance au temps de l'humanité superflue", est le premier de deux volumes qui seront consacrés à l'enfance. « L'enfance est ici entendue comme un horizon utopique, "l'infans" c'est celui qui ne parle pas, c'est l'être des choses indicibles, et un reste toujours inexprimé chez l'adulte ». L'enfant a donc en lui un haut potentiel d'émancipation, étant par essence toujours en quête du nouveau, de l'encore inexprimé. Mais encore faut-il qu'aujourd'hui l'on soit capable de lui laisser une place propre, ne pas empêcher sa créativité, son sens du jeu sans règle ni compétition.

Divisé en trois parties (émancipation, éducation, aliénation), ce numéro rassemble une multitude de textes d'obédiences diverses et même quelques textes d'auteurs disparus comme Jean Baudrillard, Theodor Adorno... Si l'enfant est l'avenir créatif de l'adulte, la revue relève aussi bien des côtés sombres ayant trait à l'enfance contemporaine : une enfance colonisée par les services marchands et toutes sortes de services qui veulent "remplir" l'enfant, des jeux programmés et peu créatifs, l'aliénation par l'idée de compétences scolaires qui ont été inventées par des industriels européens pour s'adapter aux normes du marché du travail... Bref, chers parents, après la lecture de ce numéro, il s'agira de dépasser les notions d'enfant-roi ou d'enfant-objet pour s'ouvrir à ce que nous pourrions désigner comme l'enfant-sujet !

Présentation du nouveau numéro de la revue Illusio
Au Bal des Ardents le jeudi 23 mai à 19h


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