Regards frais au Réverbère

Le Réverbère présente sept jeunes photographes qui, à travers des esthétiques très différentes, documentent le monde d'aujourd'hui... Les guerres, l'écologie, Cuba, l'Iran, la Grèce.


Mélancolie suspendue. Le coude en l'air marque un geste lent, la femme regarde hors champ de ses yeux d'une intense fixité au milieu d'un visage, plissé comme la roche qui fait fond. Le temps s'est comme alourdi, recouvrant d'une poussière invisible les pierres, les visages, les troncs entortillés de deux arbustes. Un drame mutique imprègne les huit images de l'artiste grecque Ionna Sakellaraki exposées sur une même cimaise. Le portrait central saisit immédiatement le spectateur, et les images autour pourraient être des lieux familiers à la femme photographiée (une chambre ouvrant sur un jardin, un seuil enneigé et baigné de lumière rouge sang et jaune), ou des souvenirs, ou encore des éclats de rêve (une nature morte de poisson, un cheval lourd et sombre faisant face à un mur décrépi...). La série se nomme Aidos, déesse de l'humilité et de la modestie. Dans une grande économie visuelle (aucun signe ou symbole superflus), la photographe compose un puissant agencement d'affects et de perceptions.

Une photo qui documente

La série de Ionna Sakellaraki est l'un des sept ensembles d'images de jeunes photographes (nominés et/ou primés pour le Prix Levallois 2018) réunis au Réverbère. Une photo « qui documente » selon les commissaires de l'exposition, qui ouvre à chaque fois une fenêtre sur le monde actuel à partir de modalités esthétiques très différentes. Du photo-reportage impressionnant d'Emilien Urbano (sur les combattants kurdes en Syrie, avec beaucoup de portraits aux visages cachés), par exemple, au travail beaucoup plus plastique d'Emmanuel Tussore : avec du savon d'Alep, l'artiste a sculpté des ruines de guerre qu'il a ensuite photographiées. À travers cette exposition très riche, on perçoit différents régimes possibles de constitution de l'image : par intensification et ralentissement du temps, par agrégats et jeux de matière, par perspective documentée en amont et engagée, par empathie avec les sujets photographiés, par jeux plastiques de lumières et couleurs...

La nouvelle génération documente
Au Réverbère jusqu'au 20 juillet


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