Maële Giard : « il faut arrêter de demander, il faut prendre »

À 22 ans, Maële Giard lutte pour la justice climatique. Étudiante en études urbaines, militante d'associations écolos et Gilets jaunes, elle interviendra lors de la table ronde du Lab de Nuits sonores consacrée aux "Nouveaux activismes pour la justice climatique" ce vendredi. Où il est question d'écologie et donc de politique.


Quels sont les actes à accomplir aujourd'hui pour plus de justice climatique ?
Maële Giard : La ville est tellement polluante aujourd'hui qu'il est compliqué de se dire qu'on va réussir à changer la donne d'un point de vue climatique à cet endroit. Une prise de distance avec l'urbain est nécessaire. Il faut regarder les petites villes, les périphéries pour expérimenter des vies plus collectives, voire communautaires, d'entraide, de rattachement à la terre.

Et ça passe par la consommation (manger local et bio), les jardins partagés, les composts collectifs. Mais ce n'est pas assez et il faut faire très attention à l'écologie moralisante. C'est même dangereux de dire que cela repose sur l'individu car ça déculpabilise et déresponsabilise l'ensemble de la classe politique et des élites dominantes.

Le mouvement des Gilets Jaunes est-il à vos yeux en lutte pour plus de justice climatique ?
Oui, les Gilets Jaunes ont rejoint la Marche pour le Climat de samedi dernier. Des événements ont été montés avec des groupes écologistes lyonnais. En AG, on parle de permaculture, des gestes écolos que chacun fait dans son quartier.

Ce mouvement est né d'une volonté de faire baisser le prix de l'essence : mais pourquoi ce sont toujours les plus pauvres, ceux en périphérie qui sont obligés de prendre la voiture pour travailler qui doivent payer ? À l'assemblée des assemblées des Gilets jaunes qui s'est tenue à Saint-Nazaire en avril, il y avait clairement dans le texte le mot anticapitaliste et c'est donc une revendication en faveur de l'écologie car la crise écologique est née de la crise du capitalisme. C'est l'exploitation de la Terre et du vivant. Chaque Gilet Jaune a sa conception de l'écologie, mais je ne suis pas sûre qu'il faille demander encore plus de choses à l'État. Il faut arrêter de demander, il faut prendre. Et ça peut être illégal. Mais beaucoup de choses sont illégales aujourd'hui. Porter un gilet jaune peut être illégal. On dérange, on est dans la rue et on nous met dans l'illégalité.

Quel est votre point de vue sur les actions d'Extinction Rebellion (déverser du sang au Trocadéro pour dénoncer la sixième extinction de masse) ou encore sur l'égérie que devient Greta Thunberg ?
Pourquoi pas faire ce qu'a fait Extinction Rebellion... Mais c'est de la communication. Ça ne change rien en terme d'action mais je reconnais que ça peut éveiller des esprits.

Concernant Greta Thunberg, je pense qu'il n'y a pas besoin de représentants, de figures médiatiques. Aujourd'hui les leaders peuvent être des figures auxquelles on aspire mais je n'ai pas besoin de ça. On ressent tous la pollution et la canicule dans nos corps. Plus qu'une vidéo sur YouTube, c'est vivre le dérèglement climatique dans sa propre chair qui peut faire changer les choses.

Je suis allée aux marches pour le climat au départ sans grande conviction, pour faire masse. Et aujourd'hui c'est aussi de l'écologie moralisante. Ça dépolitise. On marche le dimanche une fois tous les trois mois et on se déculpabilise.

Les élections européennes ?
Je ne suis pas allée voter de manière consciente car la politique ne se passe pas dans les urnes mais sur le terrain. Que ce soit les partis écolo ou ceux qui reprennent cette veine, ça reste une stratégie politique de prise de pouvoir. Ma vision de la politique ne rentre pas dans une urne. On nous a appris à faire ce devoir citoyen mais ce n'est pas un devoir. La politique, on l'a en nous. Et c'est très dur de ne pas aller voter, de déconstruire ce sur quoi on pense nous donner de la liberté. On nous dit que c'est la France bête qui ne vote pas, mais ce n'est pas aussi simple. Les gens ont réfléchi, c'est délibéré.

European Lab
À H7 ​du 30 mai au 1er juin

Nouveaux activismes pour la justice climatique
Le vendredi 31 mai de 17h à 18h30


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