Buñuel après l'âge d'or

De Salvador Simo (Esp, 1h20)


Le scandale suscité par son film L'Âge d'or (1928) ayant refroidi ses mécènes, Luis Buñuel change sa caméra d'épaule et débute la réalisation d'un documentaire post-surréaliste sur la misère dans la région des Hurdes, grâce aux gains de loterie d'un ami. S'engage alors un tournage épique…

Historiquement fouillée, cette friandise pour cinéphile contaminée dans la moindre de ses images par l'univers fantasmatique de Buñuel, se garde bien de dresser un tableau trop complaisant de Don Luis — ni de Dalí, d'ailleurs, remis à sa place d'enfant gâté en quelques secondes. Mais si l'auteur de Terre sans pain, avec ses habitudes de hobereau, avait tout du fieffé égoïste, il était aussi un poète inspiré et visionnaire capable de transfigurer la réalité afin de l'encapsuler dans un film. Salvador Simo lui rend justice de ce talent, faisant preuve d'une élégance graphique à la hauteur du personnage, et d'un équilibre moral tout à son honneur.

D'un point de vue métafilcinématographique, ce film propose en outre une réflexion abyssale sur la véracité des images — et tout particulièrement celles d'une œuvre présentée comme “documentaire” lorsqu'elle est mise en scène. L'inclusion d'authentiques prises de vues d'époque à l'intérieur de séquences animées provoque également un sérieux vertige, assez comparable au fond aux cauchemars surréalistes dont Buñuel était coutumier. Preuve que si la réalité constitue l'antichambre du rêve, un certain réel peut aussi être le produit de l'imaginaire.

 


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