Hasta siempre Sens Interdits !

En mode biennale, le festival dédié au théâtre de l'urgence célèbre, du 16 au 27 octobre, fête ses dix ans avec une programmation extrêmement prometteuse où les maux du monde sont exprimés avec forces et talents par des artistes résistants et résistantes, à commencer par le maître Milo Rau. Débroussaillage avec le fondateur et directeur Patrick Penot.


La Russie

Cette habituée du festival (quatre spectacles déjà passés par là) nous avait bluffés avec la raideur et la profonde émotion et intelligence qui se dégageait de Je n'ai pas encore commencé à vivre, bilan de ce que fut l'URSS et de ce qui se dessine en Russie. Cette fois, Tatiana Frolova fera sa création sur le grand plateau des Célestins ! De quoi la changer de son théâtre KnAM où en Sibérie elle dispose de vingt places. Elle travaille sur le gel dans Ma petite Antarctique « car il a deux effets : il détruit la vie par son intensité et la protège via le permafrost ». En 2021, est d'ores et déjà annoncé un festival dans le festival dédié à cette équipe rare, politiquement intransigeante avec le pouvoir actuel, pas par contestation viscérale mais par le simple fait de dire ce qu'est la Russie d'aujourd'hui.

Ma petite Antarctique
Aux Célestins du mercredi 16 au samedi 19 octobre


Le Mexique

Souvent le festival a déplacé ses spectateurs en Amérique du Sud. Le Chilien Roberto Farias aura même fait soixante dates (dont la Schaubühne d'Ostermeier, s'il vous plaît !) après sa première venue avec l'uppercut Acceso. Baños Roma vient du Mexique et se situe dans la salle de gym éponyme où s'entraînait le boxeur Jose Angel Napoles dit "Mantequilla". À travers la vie de ce champion du monde WBA et WBC du début des seventies, c'est le Mexique et ses douleurs qui apparaissent sous le regard du metteur en scène Jorge A. Vargas. Féminicide, machisme sont évoqués par la danse, le théâtre, la musique, les images. « Ils sont cinq sur le plateau, on a l'impression qu'ils sont quarante-deux ! » dixit Patrick Penot.

Deux autres spectacles mexicains sont à voir lors du festival : La Brisa et Pequeños territorios en reconstrucción du même artiste que Baños Roma.

Baños Roma
Au Théâtre de la Croix-Rousse vendredi 18 et samedi 19 octobre


L'Afrique

Quare spectacles venus d'Afrique (Danse avec le diable, À qui le tour ?, Les Sans...) sont proposés au festival. Parmi eux cette déflagration qui avait renversé Avignon en 2017 et tous les spectateurs qui s'y sont confrontés, Unwanted. Dorothée Munyaneza scrute, à l'instar de Carole Karemera venue au festival avec We call it love, son pays : un Rwanda dévasté par les conséquences des viols commis comme arme de guerre. Les récits de celles « qui ont attrapé une grossesse » et qui exècrent les enfants qu'elles ont mis au monde sont possibles à entendre seulement parce que l'autrice et metteuse en scène s'est entourée d'un musicien et d'une vocaliste sans quoi « le spectacle n'aurait pas cette force » selon Patrick Penot. Sons gênants, dérangeants additionnés aux grondements de la chanteuse et à ce texte incarné de façon très expressive : « une symphonie de la colère ».

Unwanted
Au Théâtre de Vénissieux le vendredi 18 octobre


Milo Rau

C'est une chance de le voir à Lyon. Et pour la seconde fois qu'un de ses spectacles vient ici, c'est à nouveau dans ce festival. Hate radio en 2015. Oreste à Mossoul aujourd'hui car celui qui a les yeux rivés sur le monde sait mettre l'actualité à bonne distance et en faire un temps spécifique du théâtre, d'autant que cette fois-ci il convoque Euripide. Le Suisse, auteur d'un Manifeste fondamental de dix règles, est selon Patrick Penot « un philosophe. C'est plus qu'un metteur en scène. J'ai l'impression qu'il s'est donné une mission non pas politique parce qu'il n'est pas idéologue, mais une espèce de mission sacrée de faire ouvrir les yeux à ceux qui ont envie d'un peu de lucidité. Il construit un mausolée des violences ».

Jouée en Irak d'abord où des acteurs belges sont allés partager le plateau avec des confrères locaux, cette pièce vient ici avec ces derniers et de la matière vidéo puisque, ajoute Patrick Penot « c'est aussi un cinéaste ».

Oreste à Mossoul
Aux Célestins mardi 22 et mercredi 23 octobre


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Lyon, de Plancus à Collomb