Quatre pièces à réserver sans attendre

S'il ne fallait retenir que quatre spectacles à voir cette saison, ce serait ceux-là.


 

Le plus tendre : Un conte de Noël

C'est peut-être le plus grand film d'Arnaud Desplechin. Julie Deliquet qui avait déjà signé un triptyque intéressant, Des Années 70 à nos jours (trois pièces pour relier Brecht et Lagarce à la génération de ses parents) et une Mélancolie(s) plus convenue mêlant Ivanov et Les Trois sœurs. Entre temps, la Comédie Française l'a happé pour un Fanny et Alexandre acclamé. En bi-frontal, elle retrouve une partie de sa troupe In Vitro à laquelle s'ajoute l'excellent Lyonnais Thomas Rortais. De la joie de retrouver Abel, Junon et leurs enfants aussi tourmentés et cruels que fantasque et joviaux. Et l'écriture somptueuse et acide de Desplechin et Emmanuel Bourdieu. Création à la Comédie de Saint-Étienne en octobre puis…

Au Radiant (programmation des Célestins et du Théâtre de la Croix-Rousse) du 5 au 9 février


Le plus grinçant : Blanche-Neige, histoire d'un prince

C'est parfois au hasard des montages de productions et des projets avortés qu'un spectacle marquant voit le jour. C'est le cas de cette Blanche-Neige née de contraintes et sur les cendres d'un autre spectacle qui n'aura pas lieu : ne pas mettre Marief Guitier seule sur scène, trouver un lieu de travail à la Licorne de Dunkerque, conventionnée marionnette, et donc y adjoindre des objets. Puis être programmé dans le In d'Avignon, au rayon enfant, dans la Chapelle des Pénitents Blancs. Raskine renoue là avec son art de faire des miracles dans un espace réduit comme il avait développé le théâtre en coin au Point du Jour jadis. Inversion des genres, cruauté, drôlerie (Monsieur Seguin est l'amant de passage !) : cette Blanche-Neige déraille et en devient jubilatoire grâce aux talents conjugués des acteurs, de la scénographe Stéphanie Mathieu et de l'autrice Marie Dilasser.

Au Théâtre de la Croix-Rousse du 21 au 25 janvier


Le plus hors norme : £¥€$

Dites « Lies ». Et plongez dans les mensonges proférés par les traders en bourse à coup de chiffres démentiels. Malgré quelques écueils dont le fait que l'aspect ludique l'emporte sur la réflexion, ce spectacle hors norme atteint peut-être bien son but en annihilant la valeur de l'argent et en démontrant le mécanisme fou du monde financier. Les Néerlandais (qui nous avaient déjà savamment désorientés avec A game of you, spectacle pour un spectateur) convient le public à des tables de jeux d'argent. Avec vos six acolytes d'un soir, vous allez devoir miser, faire des alliances, racheter d'autres tables et donc d'autres banques. Le maître du jeu, comédiens, orchestrent tout cela avec intérêt, bien loin du bien commun !

Au TNG Vaise les 29, 30 novembre et 1er décembre

Au théâtre Jean Marais (Saint-Fons)  le 21 mars


Le plus feuillonesque : Les Démons

1200 pages de Dostoïevski traduites en 3h45 par André Markowiz et l'équipe de Sylvain Creuzevault qui avait éclaboussé les planches il y a dix ans avec sa version juvénile (quoiqu'un peu simpliste) de la naissance de la Révolution française, Notre terreur. Il convoque des acteurs gargantuesques Valérie Dréville et Nicolas Bouchaud qui campent plusieurs personnages dont ce Nikolaï Stravroguine qui fraye avec les ténèbres. Travail d'impros, images fortes, la pièce, donnée l'an dernier dans le cadre du festival d'automne à l'Odéon parisien duquel Sylvain Creuzevault est associé, débarque ici et ça fait dix ans que le jeune quinqua n'avait pas foulé nos terres.

Au TNP du 14 au 25 février


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Le TNP remodelé avec l'arrivée de Jean Bellorini