Rumble : quand le rock sort de sa réserve

À l'initiative du Marché Gare, l'Aquarium Ciné-Café projette le documentaire Rumble : The Indians who rock the world, indispensable entreprise de réhabilitation du rôle des Amérindiens dans la naissance de la pop music américaine. À voir absolument.


Il est désormais acquis que l'Histoire est pour une grande part écrite par les vainqueurs, mais c'est bien la prise de conscience de cette réalité qui permet petit à petit aux historiens de bonne volonté d'enfin naviguer à contre-sens des prétendus romans nationaux et internationaux. Même aux États-Unis où l'Histoire a pris les contours d'une fable faite de récits de conquête, de mythe de la frontière et de glorification de l'Homme blanc, quelques autres frontières ont fini par bouger : notamment celle qui rangeait la contribution des Noirs et des Amérindiens à l'Histoire de leur pays derrière un voile aussi épais que le Mont Rushmore. Il faut par exemple se rappeler, pour prendre un exemple aussi extrême que symboliquement éclatant, qu'il y a un peu plus d'un siècle, le Wild West Show de Buffalo Bill rejouait tout autour du monde la conquête de l'Ouest en faisant tenir son propre rôle à Sitting Bull, au détail près que dans la version qui en était donnée le chef Sioux était défait à Little Big Horn par un Custer soudain ressuscité.

Le fuzz de Link

C'est dire combien est précieux le documentaire réalisé par Catherine Bainbridge et Alfonso Maiorana, Rumble : The Indians who rocked the world, qui rappelle une vérité longtemps ignorée. À savoir l'apport immense des Amérindiens à la musique pop américaine. Si l'on savait que le blues et l'avant-garde jazz devaient beaucoup aux descendants des esclaves, on occultait alors l'influence primordiale qu'eurent sur eux les chants indiens ou les gammes pentatoniques de Charley Patton, mentor notamment d'Howlin' Wolf.

Mais aussi la ribambelle de talents musicaux, comme Patton, d'origine amérindienne plus ou moins dévoilée, qui a irrigué le rock, le blues et le folk : du mythique Link Wray dont le fuzz a fait entrer en religion des générations de rockeurs au guitariste virtuose Jesse Ed Davis, de la protest-singer Buffy Sainte-Marie, connue pour ses chansons pro-natifs (Universal Soldier, Bury My Heart at Wounded Knee, en référence au massacre de Lakotas par le 7e de cavalerie), mais placardisée pour les mêmes raisons, à Redbone et son multi-samplé Come and get your love, de Mildred Bailey, l'une des pionnières du jazz vocal à Robbie Robertson du Band. Sans oublier Jimi Hendrix. Nourri des nombreuses images d'archives et d'un ahurissant casting de témoins, voilà un film indispensable qui a le grand mérite de remettre le tipi au milieu du village américain.

Rumble : The Indians who rocked the world
À l'Aquarium Ciné-café le mercredi 18 septembre


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