La R&D du TNG

Depuis 2015, Joris Mathieu est aux commandes du seul Centre Dramatique National de Lyon, le Théâtre Nouvelle Génération. Lieu qui n'a cessé de se chercher une identité et semble trouver ses marques en ayant l'audace de montrer des pièces naissantes.


Théâtre des Jeunes Années et désormais Théâtre Nouvelle Génération, rebaptisé par Nino D'Introna, resté dix ans durant à la tête de ce CDN (de 2004 à 2014), ce lieu est depuis 2015 entre les mains de Joris Mathieu.

Le metteur en scène est arrivé avec sa compagnie Haut et Court et l'envie « d'imaginer demain ». Ce qui s'est traduit par le festival Nos Futurs (désormais annuel sous forme de fil rouge, entre décembre et février) et se décline tout au long de saisons qui ont parfois été nébuleuses, à l'instar des propres créations du directeur (sans le repère du vocable, dans des univers visuels sans grande lumière) : la programmation nous a parfois laissés dans le brouillard. Le constat ne peut s'arrêter là. Il serait simpliste et erroné.

Ce qui se trame au TNG est une histoire aussi singulière que le parcours créatif du metteur en scène. Et il faut aller voir de près de quoi il retourne, même si tout ne serait pas immédiatement accessible. Car Joris Mathieu, comme son acolyte à la direction Céline Le Roux, croient au temps long. Celui de la maturation. C'est pour cette raison que les deux lieux que le théâtre occupe – le site historique de Vaise et celui du théâtre des Ateliers en Presqu'île – ne sont pas toujours ouverts. Avec des salles de 450 et 90 places dans le 9e, de 193 et 93 places dans le 2e, il y a de l'espace dévolu à la création. Le metteur en scène l'a toujours affirmé haut et fort : ce CDN est un lieu pour créer, pour qu'existent « de nouveaux artistes, de nouvelles formes et de nouveaux publics » comme il le précise dans son programme annuel, qui lorgne vers la BD façon Crumb.

Quatre artistes et compagnies ont été invités dans ce vivier : Rocio Berenguer, Marion Siéfert, Philippe Gordiani et la compagnie Ersatz. Trois sont en résidence (collectif Invivo, Clément-Marie Mathieu et le Groupe Fantômas). L'enjeu majeur est de « bien accompagner cette génération d'artistes, car comme dans tous les domaines d'activités, il n'y a jamais autant eu de générations différentes au travail » constate-t-il.

Précieux festival Micro-mondes

Lors de son premier mandat, trente des 75 spectacles accueillis étaient des créations. Cette saison, c'est le cas pour onze des 21 spectacles programmés. La prise de risque est notable. C'est la manière directe de Joris Mathieu de réaffirmer « l'importance et le sens de la place des œuvres d'art dans la société ». Marion Siéfert présentera 2 ou 3 choses que je sais de vous (en janvier), un titre godardien et 60's pour un travail sur le présent et la façon dont le Web tire profit de nos messages personnels donnés volontairement en pâture. Certains spectateurs devraient frémir de retrouver sur scène des éléments de leur vie privée ! En avril, elle bascule dans Le Grand sommeil et démontre qu'elle est avant tout une autrice avec ce récit d'une adolescente qui devait être sur scène si ses parents ne l'avaient pas retirée après six semaines de travail. Entre les deux, Linda Blanchet enquête sur un robot auto-stoppeur retrouvé démembré dans Killing Robots (en février).

Ainsi va la programmation entre différentes formes qui font la part belle au numérique, à l'immersion (cinquième édition du précieux festival Micro-mondes cet automne) et n'oublie pas le théâtre d'objets avec Renaud Herbin, l'autre directeur du CDN français estampillé jeune public,  ni les marionnettes avec un des maîtres en la matière (Ezéquiel Garcia-Romeu sera présent en mai) ou le jonglage (la reprise d'un classique du genre, Pan-Pot ou modérément méchant). Joris Mathieu ne sera pas en reste avec le retour de Moi, les mammouths, la création de En marge ! née de la lecture du Loup des steppes de Hermann Hesse écrit dans les années 30 de la hausse des nationalismes. Aujourd'hui, que faire de ces individualités additionnées ? En plaçant les spectateurs littéralement face à un mur, Joris Mathieu tentera d'éclaircir (ou de brouiller) la question. Le directeur s'attelle à une nouvelle expérience en présentant, d'octobre à juillet, une exposition : Nous vivons tous à l'étroit dans une chambre immense, au Musée des Confluences, une façon d'interroger la détention carcérale dans trois chambres fictionnelles au sein desquelles déambuler.

Le Lyonnais, dans l'ouvrage consacré aux CDN et rédigé par Joëlle Gaillot, résume en déclarant qu'il « faudrait instituer la recherche en tant que mission centrale de [ces] maisons et aménager, pour ce faire, des moyens, des salles et des durées de travail ; doter chaque lieu d'un département "recherche et développement"  ».

TNG Vaise
23 rue de Bourgogne, Lyon 9e

Les Ateliers-Presqu'île
5 Rue Petit David, Lyon 2e

À lire : Joëlle Gaillot, Centres dramatiques nationaux, Maisons de l'art du peuple et de la pensée (Les Solitaires Intempestifs)


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