Leurs années sauvages

D'une libation en ciné-concert est né le duo Berceau des Volontés Sauvages qui présente au Périscope, à l'occasion d'une soirée à multiples entrées, son déflagrant premier album de post-krautrock cosmique façon tabula rasa.


Où naissent les volontés sauvages ? C'est la question, indémélable, à laquelle semble vouloir répondre Berceau des Volontés Sauvages, étonnant mariage de la carpe et du lapin célébré par Alban Jamin (que l'on a aimé dans un tout autre genre comme l'adroit guitariste du meilleur groupe du monde de Lyon : The Purple Lords) et Joost Van Der Werd (membre actif de la galaxie Hallucinations Collectives, fondateur, sous un autre nom, le sien, de l'indispensable maison d'édition lyonnaise Le Feu Sacré, jadis chanteur du groupe helvète Iscariote et bassiste post-hardcore d'Overmars).

L'affaire a commencé, pour ce qui est de la sphère publique, par un ciné-concert halluciné où le duo tissa une étrange atmopshère sonore autour d'un film muet d'avant-garde japonais, Une Page folle (1926) tiré des limbes de l'oubli, dinguerie absolue, clé du courant néo-sensationniste. Cette page folle débouchant sur une boîte de Pandore, Alban et Joost allaient continuer de l'écrire frénétiquement au gré d'autres prestations scéniques et de compositions recluses.

Cristallo-génèse

De là : Seuil, un premier album enregistré live dans le huis clos de l'Épicerie Moderne. Un disque qui se fait lui-même le berceau de titres tels Agent du drame cosmique, Cristallo-genèse ou Écho d'une réalite manifeste, dont la saveur cryptique dit à la fois beaucoup et trop peu de la teneur musicale : lorsque l'on croit tenir un épanchement de drones, un riff post-blues vient larder l'affaire pour entamer toute certitude. Qu'on crépite d'une rythmique tribale et nous voilà abducté par une sirène d'apocalypse cosmique. Quand on se croit abandonné à une sieste électronique, on se fait encorner par quelque créature électrique, ; et si la lumière semble entrer enfin, un orage l'oblitère dans l'instant.

Comme l'indique le titre d'un autre morceau, tout ici brûle de feux souterrains qui ne demandent qu'un mince appel d'air pour embraser l'ensemble. Les mots manquent, s'effondrent sur eux-mêmes, dans une suffocation d'impuissance à décrire une musique qui, à la croisée du krautrock et de la brume carpenterienne, s'éprouve plus qu'elle ne s'écoute. Ils ne font, les mots, que caricaturer cet expressionnisme futuriste, cette manière de ressentir jusqu'à l'épuisement les soubresauts d'un monde en crise soumis aux ravages des volontés les plus sauvages : manifestation, peut-être, du surgissement musical d'un néo-néo-sensationnisme pour le siècle présent. Il est permis d'y voir cela, ou tout autre chose. Depuis un berceau c'est l'univers qui s'offre.

Berceau des Volontés Sauvages + Strom|morts + J-M Bertoyas + projection de Stupor Mundi #3 de Pacôme Thiellement & Thomas Bertay
Au Périscope le samedi 26 octobre

Seuil  (Altaar Records)


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