Grandes projections : des films élémentaires

En un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, les superproductions en 70mm et les grands classiques passaient à 20h30 sur les six chaînes hertziennes… mais plus dans les salles. Le point commun de ces films ? L'immensité au service du détail.


La vie d'un film est cruellement courte. Sa VRAIE vie, s'entend : alors qu'il est conçu pour la salle, c'est sur une télévision qu'il déroule l'essentiel de son existence, passée sa première exclusivité. Un pis-aller qui a permis de voir durant des décennies, dans des conditions précaires, des films méritant de se déployer, de respirer : le grand écran leur offrant l'air nécessaire pour déployer leur souffle épique ou leur dimension spectaculaire. Élément de base impalpable, invisible et intangible, l'air se filme difficilement. Ce n'est pas le cas de l'eau, de la terre et du feu dont la cinégénie explose cette semaine.

L'Eau

À tout seigneur, tout honneur : Jacques Deray fut le vice-président de l'Institut Lumière et son film le plus emblématique demeure le solaire et tropézien La Piscine (1969). Les raisons de le voir ne manquent pas ! Pour le symbole des retrouvailles entre les anciens amants Delon et Schneider, pour son évidente charge érotique — les deux interprètes étaient alors au sommet de leur beauté et, de fait, ne cachaient pas grand chose de leur anatomie en tournant aux abords d'une piscine —, pour la jeune Jane Birkin et le malheureux Maurice Ronet (qui connaît dix ans après Plein Soleil, la même fin dans son duel avec Delon), pour la splendeur de la photo de Jean-Jacques Tarbès et enfin pour l'ambiance, d'une insolente modernité. En fait, il s'agit d'un film couleur bleu liner et intemporel.
À l'UGC Astoria le vendredi 18 octobre à 19h45 et au Pathé Vaise le dimanche 20 octobre à 16h30

Adaptation du roman autobiographique d'Henri Charrière, le plus célèbre des évadés du bagne de Cayenne, Papillon (1973) de Franklin J. Schaffner reste célèbre pour le duo constitué par Steve McQueen en obstiné de la fille de l'air et Dustin Hoffman… avec ses gros carreaux de myope. Mais aussi et surtout pour la méthodique observation des vagues et leur décompte permettant à l'innocent Papillon de fuir de l'Île du Diable où il est détenu. Un saut en profondeur réalisé par McQueen en personne, qui aurait pu être homologué aux J.O.
Au Pathé Bellecour le vendredi 18 octobre à 20h15,  à l'UGC Astoria le samedi 19 octobre à 17h15 et au Comœdia le dimanche 20 octobre à 14h30

Huis clos sous-marin fleuve, Le Bateau (1981) a marqué les esprits et révélé au public international la maîtrise de Wolfgang Petersen, lequel a depuis signé quelques films d'action ou à grand spectacle aux États-Unis qu'il est inutile de citer. Narrant les missions de l'U-Boot allemand U96 durant la Seconde Guerre mondiale, ce très long-métrage a beaucoup été diffusé dans sa version série à la télévision — qui plus est à des horaires nocturnes prohibitifs. L'occasion étant offerte de s'immerger dans cet exercice de style et de fluidité de mise en scène en version originale, il serait dommage de demeurer à quai.
Au Lumière Terreaux le mercredi 16 octobre à 19h30 et au Pathé Bellecour le dimanche 20 octobre à 16h45

La Terre

Lorsqu'il entreprend d'adapter ce roman de Pierre Boulle (auteur également de La Planète des Singes), David Lean a déjà réalisé les deux-tiers de son œuvre. Mais il ouvre avec Le Pont de la rivière Kwaï (1957) le chapitre le plus glorieux de sa carrière : celui des grandes fresques, des sagas héroïques ou romantiques bardées de récompenses internationales. Même s'il évoque le duel entre deux officiers autour de la construction d'un pont, ce film célèbre la redoutable beauté de la jungle birmane, la chaleur pulvérulente du campement où sont détenus les soldats affectés à cette tâche et surtout leur refus de relier les rives entre elles pour obéir aux Japonais. Un monument.
À l'UGC Astoria le mercredi 16 octobre à 20h45 et au Lumière Fourmi le dimanche 20 octobre à 16h30

Récemment remis au goût du jour grâce à une citation dans Once upon a Time in Hollywood de Tarantino (grâce à un *petit* truquage substituant le visage de Steve McQueen par celui de Leo DiCaprio), La Grande Évasion (1963) de John Sturges est rempli de séquences devenu des mèmes cinématographiques — comme le fait pour un prisonnier au cachot de faire rebondir une balle de base-ball, ou de se trahir en parlant sa langue maternelle. Mais il reste naturellement le plus connu pour les cascades à moto par-dessus les barbelés réglées par l'habituel casse-cou McQueen. Des sauts en longueur qui auraient pu être homologués aux J.O. (bis).
Au Pathé Bellecour le mercredi 16 octobre à 20h30, au Cinéma Opéra le vendredi 18 octobre à 17h et à l'UGC Cité Internationale le dimanche 20 octobre à 14h45

Quand la légende rencontre le mythe, cela donne un conte d'aventure épique célébrant la littérature, l'aventure, l'amitié, le mensonge et… l'ocre des hauts plateaux afghans. Adaptation de Rudyard Kipling maintes fois différée, L'Homme qui voulut être roi (1975) est l'un des chefs-d'œuvres tardifs de John Huston réunissant Sean Connery en vrai-fausse réincarnation d'Alexandre le Grand, Michael Caine et Christopher Plummer. Un film sur des brigands tourné par de diables de coquins célébrant le simulacre et l'imitation ; bref, un film envoûtant parlant aussi, malgré lui, du cinéma.
À l'UGC Confluence le vendredi 18 à 11h et au Pathé Bellecour le dimanche 20 octobre à 17h

Le Feu

Après le 11 septembre 2001, il fut malséant de remontrer La Tour infernale (1974) qui pourtant fit date dans l'histoire hollywoodienne. D'abord, ce film de John Guillermin — amateur de gratte-ciel : il réaliserait par la suite King Kong — surfait sur l'actualité et la récente inauguration des tours jumelles new-yorkaises du World Trade Center début 1973 ; ensuite il entérinait l'avènement du genre “film castatrophe“, en affichant la plus étincelante distribution possible : Steve McQueen, Paul Newman, William Holden, Faye Dunaway, Fred Astaire (sans la danse), Susan Blakely, Richard Chamberlain, Jennifer Jones, O. J. Simpson (sans les gants), Robert Vaughn, Robert Wagner… Pour cette histoire d'un bâtiment de 550m prenant feu avec 300 personnes festoyant à son sommet, l'incorrigible Steve McQueen dans le rôle du pompier effectue lui-même ses cascades. Des sauts en hauteur qui auraient pu être homologués aux J.O. (ter).
À Vénissieux le mercredi 16 octobre à 20h, au Cinéma Opéra le jeudi 17 octobre à 20h, à l'UGC Confluence le vendredi 18 octobre à 21h et à l'UGC Cité Internationale le samedi 19 octobre à 20h30

Quand le feu est le symbole de l'intolérance crasse, de la haine et de la bêtise. En exhumant une affaire des années soixante —  le meurtre de militants des droits civiques par des membres du Ku Klux Klan —, Mississippi Burning (1988) rouvre les plaies mal cicatrisées d'un pays où la ségrégation n'existe plus de jure mais se pratique encore dans de facto. Programmé dans le cadre de l'invitation à Frances McDormand, ce thriller d'Alan Parker est marqué par la compétition entre deux méthodes d'investigation divergentes d'agents du FBI incarnés par Willem Dafoe et Gene Hackman.
Au Comœdia le mercredi 16 octobre à 11h, à Saint-Priest le jeudi 17 octobre à 20h et au Pathé Bellecour le samedi 19 octobre à 20h


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