"Un ennemi du peuple" : Nicolas Bouchaud, seul contre tous

Qui n'a jamais vu sur scène le comédien Nicolas Bouchaud doit très vite réparer son erreur. En fonçant par exemple aux Célestins découvrir "Un ennemi du peuple", texte phare du dramaturge norvégien Henrik Ibsen mis en scène par Jean-François Sivadier.


Aujourd'hui en France, il y a peu de comédiens de la trempe de Nicolas Bouchaud. C'est peut-être même le plus grand, et il n'y a qu'à le voir sur un plateau pour le constater. Dans les spectacles de Jean-François Sivadier par exemple, avec lequel il collabore depuis presque vingt ans. Logique donc qu'on le retrouve dans le rôle-titre d'Un ennemi du peuple, dernière mise en scène de Sivadier dévoilée en mars à la MC2 Grenoble. Bouchaud pourrait même être un argument de vente à lui tout seul, tant il donne une fougue bienvenue au texte politique et acerbe (aucun personnage n'est sauvé, même le héros) d'Ibsen publié en 1882 en incarnant le docteur Stockmann, lanceur d'alerte avant l'heure.

Il faut le regarder chuter progressivement, passant de l'homme sûr d'œuvrer pour le bien commun en dénonçant un scandale sanitaire (les eaux de la station thermale de la ville sont impropres) au paria qui risque de mettre à terre toute une économie et une population : il est grandiose. Notamment dans la scène du simili procès public, lorsqu'il s'écarte de la trame d'Ibsen pour disserter sur le théâtre.

Le passé a de l'avenir

Que Jean-François Sivadier est un immense metteur en scène qui a tout compris à la rythmique de son art, comme lorsqu'il s'amuse avec des œuvres plus très jeunes (Molière,  Feydeau, Shakespeare,  Brecht, Büchner…) pourtant on ne peut plus vivantes entre ses mains – il faut le faire, tant nous pestons habituellement contre ces artistes sans imagination qui remontent sans cesse les mêmes classiques.

Et que son Ennemi du peuple est un véritable acte de théâtre de 2h45 défendu par une troupe remarquable dans une scénographie grandiose (comme toujours avec lui) et avec une nouvelle traduction musclée d'Eloi Recoing qui renforce le propos politique de la pièce. On peut appeler ça du théâtre blockbuster haut de gamme, et ça fait un bien fou.

Un ennemi du peuple
Aux Célestins du mardi 5 au dimanche 11 novembre


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