La Belle époque

La soixantaine dépressive, méprisé par sa femme, Victor se voit proposer par un ami de son fils de vivre une expérience immersive dans des décors reconstituant l'époque de son choix. Victor choisit de replonger dans sa jeunesse, pile la semaine où il rencontra sa future épouse…


Nicolas Bedos est-il un jeune vieux ? Si Monsieur & Madame Adelman avait dans son projet l'ambition encyclopédique d'embrasser une (double) vie, La Belle Époque — et bientôt OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire, semble-t-il — accréditent la thèse d'une nostalgie un peu paradoxale pour des années 1970 qu'il n'a pas connues. Se livrerait-on à la psychanalyse de comptoir (avec le personnage de Fanny Ardant, psy reconvertie dans le numérique, on se sent presque autorisé), qu'on y verrait comme un fantasme de résurrection de cette époque où son père, dont il est le clone, régnait au music-hall. Mais laissons cette hypothèse.

À peine un « grand film malade » (pour reprendre le mot de Truffaut), plutôt un Leo McCarey mort-né, La Belle Époque agace parce qu'il tape à côté en gâchant une jolie idée. L'argument central, la “guérison amoureuse“ de Victor, se trouve en effet pollué par une sous-intrigue sentimentale déplaçant le centre de gravité vers l'égotique organisateur des reconstitutions — en clair, le metteur en scène. Même si Bedos ne l'incarne pas, il fait tout pour qu'on ne voie que lui à travers Canet. Déjà mise à mal par la grossièreté du dialogue, l'immense poésie potentielle du sujet est définitivement sabordée par le rappel régulier du coût de la prestation. Eût-elle eu un impact réel sur le déroulement de l'histoire qu'on comprendrait cette insistance obscène ; mais chez de riches oisifs, la péripétie s'avère insignifiante. L'inévitable remake hollywoodien saura sans doute se purifier de ces scories vulgaires pour produire non un simulacre, mais un vrai film d'amour sensible.

La Belle Époque
Un film de Nicolas Bedos (Fr, 1h55) avec Daniel Auteuil, Guillaume Canet, Doria Tillier…


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