Le mbalax vers l'abstraction

Quand un mythique producteur de techno et de dub s'amourache du mbalax sénégalais : c'est l'histoire du Mark Ernestus' Ndagga Rhythm Force, qui fait halte cette semaine à l'Opéra Underground.


Mark Ernestus, on le connaissait comme pilier discret (il a longtemps gardé l'anonymat le plus total) de la scène berlinoise, maître de la techno minimale adoubé par Detroit, quasi co-inventeur d'une forme de dub digital ultra épuré et totalement hypnotique : avec son acolyte Moritz von Oswald, il est derrière les entités Basic Channel, Maurizio et Rhythm & Sound (qui révélera Tikiman). On lui doit aussi la création dès 1989 du mythique magasin de vinyles Hard Wax à Berlin. Autant le dire : une légende de la scène électronique s'avance-là. Sauf qu'entre-temps, le producteur allemand a découvert le mbalax, ce son sénégalais que Youssou N'Dour a imposé partout sur la planète. Et qu'il a succombé. La légende dit (ou du moins Wikipédia) que c'était lors d'un festival au Danemark en 2008. Dans la foulée, Ernestus s'est plongé intégralement dans cette musique, fondant son propre orchestre (et un nouveau label) baptisé un temps Jeri-Jeri (c'est sous ce nom qu'on les a découverts lors d'un incandescent concert à Nuits sonores), rebaptisé aujourd'hui Mark Ernestus' Ndagga Rhythm Force et auteur d'un second album, Yemande, paru en 2016 après 800% Ndagga sour le patronyme précédent.

Wolof et minimalisme

Solidement entouré, en particulier de Bada Seck au sabar, ce tambour sur pied typique de l'Afrique de l'Ouest, l'ancien technophile poursuit ainsi ses expérimentations palpitantes et évite, a contrario de nombre de ses collègues, de tourner en rond autour d'une boucle entendue mille fois depuis 1992... Car la bande ainsi formée ne se contente pas d'un mixe entre musique électronique et mbalax, mais fusionne les instruments, les influences, pour s'inventer un son où l'on capte d'emblée aussi bien l'épure et l'évanescence que l'on kiffait chez Rhythm & Sound, que ces intonations profondes souvent entendues au Sénégal, permises par le côté rugueux du wolof (qui convient par ailleurs si bien au rap), couplé aux polyrythmies occupant pleinement l'espace, respirations percussives soutenues emportant l'ensemble vers des sphères addictives où l'on ressent pleinement la patte du producteur sur les textures, faite de minimalisme et d'abstraction, mais respectueuse du genre initial (il avait imposé un traitement proche au reggae). Définitivement, ce Mark Ernestus' Ndagga Rhythm Force en impose.

Mark Ernestus' Ndagga Rhythm Force + James Stewart
À l'Opéra Underground (Black Atlantic Club) le samedi 16 novembre à 19h


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