Knives and Skin

Pom-pom girl d'un lycée de l'Illinois, Carolyn Harper n'est pas reparue après un rendez-vous nocturne. Sa mère, qui dirige la chorale locale, peine à trouver du relais, à part chez trois élèves. Pourtant, dans cette communauté bizarre, l'un en sait long : le “petit ami“ qui a molesté Carolyn.


Au risque de surprendre, voire de choquer compte tenu du sujet (et de ses résonances avec les turbidités de l'actualité), c'est de prime abord un “beau“ film, au sens plastique du terme que Jennifer Reeder signe ici. Elle offre en sus un bienvenu contrepoint féminin et féministe à ces récits lynchéens se déroulant au cœur de villes moyennes des États-Unis figées dans une malaisante harmonie pastel, où une singularité fantastique vient bousculer l'apparence d'équilibre et faire sourdre une trémulante angoisse sous-jacente. La normalité de surface se volatilise, chaque foyer révélant ses vices secrets ou turpitudes : tel enseignant déboursant des fortunes pour acquérir des sous-vêtements usagés, tel couple illégitime se retrouvant pour des ébats furtifs, tel lycéen jouant au Casanova de gouttière avec ses condisciples…

On ne sait jamais à quel moment la lisière du genre est franchie tant ténue est la frontière entre l'onirisme appartenant à notre monde intérieur — celui des fantasmes, de l'inconscient — et le surnaturel, qui est celui de leur manifestation dans le réel : aussi mince que l'espace séparant la peau d'un couteau. Mais on ne peut qu'être fasciné par un film aussi habité laissant autant de latitude à l'imaginaire. Captivant, inquiétant et maîtrisé.

Knives and Skin
Un film de Jennifer Reeder (É-U, 1h52) avec Marika Engelhardt, Raven Whitley, Tim Hopper…


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