YSL, entre soies

L'espace n'est pas très grand mais permet de se plonger dans les volutes de haute-couture made by Yves Saint Laurent ; l'occasion aussi d'évoquer les savoir-faire des orfèvres lyonnais du textile avec qui il a longuement collaboré.


Yves Saint Laurent fut l'un des premiers à faire porter le tailleur-pantalon aux femmes dès les années 60, mais il n'en est jamais question dans cette exposition. Et pour cause, ce vêtement nécessitait des lainages qui n'étaient pas produits à Lyon au contraire de la soierie et autres textiles transformés par les compétences de huit artisans lyonnais, sur qui repose tout le propos de ce parcours voluptueux, forcément voluptueux. Car avant même de rentrer dans la technicité de cet art de l'industrie du luxe, les 25 robes présentées sur mannequin aimantent. Toutefois, les regarder sous toutes leurs coutures ne suffit pas à en apprécier la qualité. Sur écran vidéo, chacune d'elle est montrée en mouvement lors de défilés du créateur, portées par des lianes déambulantes.

Officiel de la mode

Avant d'en arriver à ce moment d'éclat – toute prisonnière de la upper class que soit la haute couture, elle n'en reste pas moins de l'art – cette exposition, co-réalisée avec le musée parisien YSL, montre l'ADN du vêtement. « Les tissus sont la base de tout, ce sont eux qui déterminent la pensée, la ligne » déclarait le natif d'Oran en 1979. Et s'ouvre, de recoins en recoins, la technique, la recherche de Brochier, Beaux-Valette ou Bucol qui, par exemple, invente la Cigaline®, ce tissu synthétique « aussi fin, léger et crissant que les ailes d'une cigale » nous apprend le cartel, avec lequel YSL fera de superbes "nus-habillés". Le chiné, le façonné, le velours, le lamé, le crêpe… tout le vocabulaire est décliné et explicité ainsi que les étapes de créations : des croquis, aux fiches pour les fournisseurs ainsi que la "fiche Bible",  véritable carte d'identité pour les couturières du studio. Le manteau de taffetas de soie changeant moiré est décrypté ici (2000) et surtout la robe de mariée Shakespeare (1980), joyau du maître qui, de son premier (1962) à son dernier défilé (2002), six ans avant sa mort, a occupé une place primordiale dans son art et qui continue à faire les beaux jours du milliardaire François-Henri Pinault via sa société Kering.

À noter que la dernière fois qu'une robe du styliste fut montrée à Lyon, c'était dans le cadre de l'exposition S'habiller en temps de guerre du CHRD (une robe de 1971 qui fit scandale car elle reprenait les tissus artificiels utilisés sous l'Occupation faute de mieux) — le couturier est donc ici montré sous un jour plus heureux. Pour compléter la visite, le Musée des Confluences, dans la troisième salle de son parcours permanent, évoque la technicité de la maison Brochier et sa capacité à transformer la matière en une robe en textile lumineux réalisée en 2000 par le couturier Olivier Lapidus.

Yves Saint Laurent, les coulisses de la haute couture à Lyon
Au Musée des Tissus jusqu'au dimanche 8 mars


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