L'Orphelinat

Kaboul, fin des années 1980. Errant dans les rues, Qoadrat vit d'expédients et n'a qu'une passion : les films de Bollywood. Serré par la police, il est expédié dans un orphelinat d'État où, entre rêve et réalité, il assiste aux prémices de la révolution islamique qui va renverser le régime…


Après Wolf and Sheep (1996) — premier opus d'une série qui devrait compter cinq épisodes —, Shahrbanoo Sadat poursuit à hauteur d'adolescent sa relecture de l'histoire afghane contemporaine en changeant à la fois de décor et de style : fini, l'ambiance rurale et aride du conte pastoral, place à un décor urbain plus complexe puisque qu'il encapsule l'univers mental de Qoadrat habité par les “films qu'il se fait”, transpositions des productions bollywoodiennes dont il se gave et devient le héros. En l'intégrant dans des séquences reprenant les codes des comédies musicales héroïsantes indiennes, la réalisatrice signe davantage que d'habiles parodies ou contrefaçons : elle le dote d'un territoire et d'un imaginaire personnels, outrancièrement fictifs mais esthétiquement différents de la fiction tenue pour authentique qu'assènent d'abord les représentants de l'État puis les révolutionnaires. Les premiers colportent le mirage soviétique (avec une jolie propagande et un déplacement dans le pays grand-frère), les seconds imposent la terreur islamiste…

Joueur d'échecs à un âge charnière, Qoadrat se trouve symboliquement engagé dans une partie complexe où tout est question de choix pour lui : comment survivre dans cette institution (où de bons jeux d'alliances s'imposent), quelles amours suivre, à quelle ligne politique se fier ? Qoadrat va opter pour une voie médiane, celle du rêve, qui donne au public envie de connaître les suites…

L'Orphelinat
Un film de Shahrbanoo Sadat (Afg-All-Dan-Fr-Lux, 1h30) avec Qodratollah Qadiri, Sediqa Rasuli, Anwar Hashimi


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Requiem pour un film : "Chanson Douce"