Un potager survitaminé

De la joie, des outrances, de la drôlerie et une équipe de haute précision, Le Roi Carotte revient quatre ans après sa création, mis en scène par l'une des stars mondiales de l'Opéra et fidèle de celui de Lyon, Laurent Pelly.


Offenbach lui va si bien. Laurent Pelly s'en amuse depuis des décennies ou presque avec notamment cet épatant triptyque Monsieur Chouflerie restera chez lui / L'Île de Tulipatan / Le Petit voyage dans la lune. C'était en 2005 en itinérance dans Lyon. En 1998, il signait un Orphée aux Enfers royal dans des décors à couper le souffle, signés par la fidèle scénographe Chantal Thomas. La Vie Parisienne, La Belle Hélène, la Duchesse de Gérolstein, Les Contes d'Hoffmann suivront. Quand il monte en 2015 Le Roi Carotte, il va encore plus loin dans le plaisir du jeu et ne lésine pas sur les costumes, qu'il dessine comme dans chacun de ses travaux au théâtre ou à l'opéra, et affuble le ténor Christophe Mortagne d'une carotte à taille humaine très phallique. Car tout est poussé à son extrême dans cette adaptation de cet opéra-bouffe en trois actes créé en 1872.

Lorsque la fée Rosée du soir est prisonnière dans un grenier, sur scène, elle est enserrée dans un gigantesque égouttoir. Par ailleurs, des clins d'œils sont faits à l'époque présente comme toujours chez Pelly. Là, un train Intercité et un TGV font irruption dans ce livret de Victorien Sardou. Précédemment, Pelly, dans son splendide Hansel et Gretel, avait construit une maison en rayonnages de gâteaux et jus de fruit de supermarché plutôt qu'en pain d'épice. De l'art de mélanger les périodes.

Carrot cake

Ici, le roi Carotte a destitué son prédécesseur très hautain et égocentré et compose une nouvelle cour avec ses fidèles navets, betteraves et radis à qui une sorcière a donné vie. Complètement loufoque, c'est même la Pompéi antique qui surgit sur le plateau quand Fridolin doit récupérer l'anneau de Salomon qui mettra fin au pouvoir de la sorcière et, d'emblée, le chœur apparaît en tenue romaine. Rien n'est trop beau pour ce spectacle qui porte haut le genre de féérie qui le structure dès son écriture.

En 2015, lors de la création, Laurent Pelly nous confiait : « j'ai toujours autant de plaisir à monter Offenbach. C'est une chose difficile à faire parce que pour les chanteurs, c'est aussi complexe que du grand opéra. Souvent, on se dit que c'est léger mais on ne se rend pas compte que musicalement pour le chef [NdlR : Adrien Perruchon], c'est terrible. Et les chanteurs doivent parler, être drôles, jouer, être dans un rythme. Ils n'ont pas du tout l'habitude. De toute façon, la comédie est une chose compliquée qui demande beaucoup de temps, de soin, de précision. Il faut penser qu'à l'origine, c'était un spectacle qui durait six heures avec pas loin de 250 personnes, 1500 costumes, 24 décors. C'était l'équivalent d'un blockbuster qui devait durer au moins une année, ce qui a été le cas. » Sa version contemporaine revient en seconde saison !

Le Roi Carotte
À l'Opéra jusqu'au 1er janvier


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