L'impertinent monsieur Luchini

Fabrice Luchini revient à Lyon début janvier avec son spectacle Des écrivains parlent d'argent,  au Radiant-Bellevue.


Le titre de ce spectacle aurait pu être "mon rapport à l'argent", car c'est bien de cela dont il s'agit. Certes Luchini convoque plusieurs penseurs de l'économie ou écrivains, avec la verve qu'on lui connaît, mais le public assiste en réalité à un véritable one-man-show.

Quand il entre sur scène, presque intimidé, la voix est discrète et le regard fuyant. Une table, une chaise et un porte-manteau pour décor. Peu à peu, de confidences en confessions, comme sur un divan, Luchini se livre sur sa vieille obsession. Tout débute en 2008 au moment de la crise des subprimes, alors terrorisé à l'idée de perdre ses économies et par les discours des experts en économie qui se succèdent sur les plateaux télé, Luchini n'a plus d'autre choix que de se familiariser avec le monde de la finance. Au fil de son récit, il va mêler des moments de folie et d'érudition, jusqu'au bouquet final, terminant le spectacle épuisé, à bout de souffle… autant que Johnny au Parc des Princes en 93.

Évidemment il ne s'agit pas de déceler ce qui est de l'ordre du vrai ou du faux, ni de savoir comment caractériser son rapport à l'argent : avarice, abondance, bling-bling ou économe. L'intérêt du spectacle n'est pas là. C'est un prétexte.

À la différence que là, c'est drôle

Il s'agit d'apprécier la lecture et parfois la récitation de grands textes du patrimoine littéraire et théâtral sur un thème commun, par un interprète qui excelle dans cet exercice. Sa célèbre diction faite d'une éloquence passionnée et d'une articulation soignée servent indiscutablement les auteurs qu'il sollicite.

On y (re)découvre de grands textes comme celui de Timon d'Athènes de Shakespeare : « ce peu d'or suffirait à rendre blanc, le noir ; beau, le laid ; juste, l'injuste ; noble, l'infâme ; jeune, le vieux ; vaillant, le lâche… » Ou encore La Fontaine avec l'avare qui a perdu son trésor : « l'usage seulement fait la possession ». Il y a aussi, évidemment, Freud et sa théorie, très étudiée par Luchini, des liens entre l'argent et la défection. Marx est également évoqué mais surtout caricaturé comme les gens de droite ont coutume de le faire, à la différence que là, c'est drôle ! Ou encore Charles Péguy, Émile Zola et Victor Hugo et la célèbre tirade de Ruy Blas.

Impertinent par son esprit provoc', instituteur par sa capacité à rendre accessible ses textes anciens et à éclairer la modernité, c'est un beau moment de culture que nous propose Luchini.

Fabrice Luchini,  Des écrivains parlent d'argent
Au Radiant-Bellevue les vendredi 3, samedi 4 et dimanche 5 juin 2020


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